Pour un flirt avec vous…
écrit par canard99


      Alors voilà. C’était juste avant de partir en vacances. Quand j’essaye de faire le point sur le moment où tout a changé dans ma vie, sur l’ultime moment de calme avant la tempête, je repense toujours avec nostalgie à ces derniers moments de quiétude de juillet 2005. Il faisait beau, le ciel était bleu, les cigales poussaient leurs petits crin-crins hypnotiques dans les champs de lavande de St Rémy Les Chevreuse. C’était un de ces moments d’intense ronronnement où l’esprit est absent et où le corps goûte déjà à la chaleur du farniente. Les boules s’entrechoquaient doucement sur le billard et je tchatais tranquillement avec une nième « Carpe Diem mais pas de ce coté » quand il est entré dans la Noria, coiffé comme un dessous de bras -depuis la gay pride, ça avait repoussé- bondissant comme un fennec en rut et l’air hagard du mec qui se remet pas d’avoir dédicacé le mur de Berlin avec sa main plutôt qu’avec sa pine ( Ouais… moi aussi, l’air hagard en bondissant comme un fennec en rut, j’y croyais pas mais lui, il peut vraiment le faire…). J’ai essayé de fermer la porte du bureau mais il a foncé sur moi et a dit « Putain, ho putain, canard, putain….!!! »
. Bon, là, je suis obligé de faire une parenthèse. Je ne voudrais pas que l’on pense que j’essaye de noyer l’équipage avec le navire, je vais donc utiliser un pseudo débile et imaginaire pour ne pas froisser la personne en question. D’ailleurs si des lecteurs pensent le reconnaître au travers de mon récit, je leur demande de garder pudiquement le secret sur l’identité de cette personne, par pur souci de salubrité publique. Ma mère pense que je suis chargé de communications chez Danone France, si elle savait que je fréquente ce genre d’individu, ça la tuerait.

Donc un pseudo débile… voyons…. Kiki match… non, Kill patch… non, Kiliwatch ! Oui, c’est parfait ça, Kiliwatch !! Personne ne pourrait penser à un truc aussi branque. Donc, on n’en était à « Putain, ho putain, canard, putain…. » Ce qui, en langage kiliwatchien (Amis de la planète Rael, bonjour) signifie à peu près : « Y un tournoi étendu dans pas longtemps, je suis grave chaud mais j’ai pas de deck, faut faire quelque chose, et vite !!! » C’est à ce moment que j’ai fait ma première erreur (certainement un peu de charité chrétienne accroché comme un vieux fond de pâté à la boite). Au lieu de lui mettre un coup de savate dans les burnes et de brûler un cierge à Sainte Bardot, je lui ai répondu calmement : « Qu’est ce que tu racontes ? » Tout étonné d’avoir capté mon attention, il s’est mis illico à partir en vrille façon MD-82 au-dessus du Venezuela : « Ah, canard, la team, blablabla… paskeu je le vo bien, t’es comme Kirby, j’aime le rose de ton… bref c’est là que j’ai fait ma seconde erreur, je l’ai regardé en face. Mes yeux ont croisé les siens, ronds et expressifs comme deux anus et j’ai compris que c’était foutu. Alors, j’ai enchaîné le plus vite possible tellement les mots me faisaient mal quand ils sortaient d’entre mes mâchoires bloquées : C’est - où - et - quand - Je - peux - te - préter - des - cartes - ma - bagnole - on - pique - nique? Et je lui ai tourné le dos pendant qu’il disait : « J’tKiff mon 99, ça va sépulcrer. Himmel !!! On va se mettre la régalade, Wesh tienkete, quel larcin ! » (Je ne sais pas si vous vous rendez compte ce que ce mec arrive à dire en une phrase, du verlan, de l’ancien français et accessoirement trois langues…) Bref, j’ai craqué une fois de plus et c’est là que tout a commencé...

Le lendemain - 13 heures - Ozoir la Ferrière : Somewhere nowhere…





Rien que le nom de ce bled, on sent l’aspect dégénéré qui règne dans ce coin de banlieue pavillonnaire. Kiliwatch avait une adresse (un truc space genre comme le Moulin à peaux mais encore plus barjot : la rue de la bêche aux loups, je crois) mais pendant le trajet, il n’a pas voulu me dire où il avait dégotté son info frelatée. On a fini par trouver un truc qui ressemblait à un club Mickey dans un préfabriqué pourri avec une banderole dessinée par des hommes de Néanderthal, des tables d’école qui offraient un échantillon intéressant de la littérature moderne (pine o cu Mary té une salop / y susse des keu au 06 06 06 06, Sarcozi petit zizi etc…quand on se fait poutrer, ça détend), des chaises pourraves qui te foutaient des échardes de 10 cm dans le cul, une buvette dans une glaciaire sans couvercle et plus grave, pas de café... Le tournoi n’était bien sûr pas homologué, plutôt même hors de toute homologation possible.

Y avait un arbitre de 15 ans qui a expliqué les règles. Pour faire plus arbitre, il avait mis le maillot jaune de Brice et un short noir. Il ne lui manquait qu’un sifflet et des cartons. Alors, les points : 0 pour une défaite, 1 pour un match nul, 2 pour une victoire. Y avait une histoire de goal-average mais vu qu’il y avait un ballon de foot dans la salle, ça avait peut être rapport avec le terrain stabilisé tout crasseux devant. Il fallait sûrement se tirer des penalties pour se départager… enfin, je sais pas. Le format, c’était Étendu sans Messe noire (merci pour la précision…). Y aurait 5 rondes sèches sans top et pour les prix… fallait voir… (on savait pas si le panier garni de la charcuterie était ou non arrivé). Les rondes se jouaient en cinquante minutes sans rien d’additionnel. Mulligan, c’est pas français. J’étais quand même content qu’il connaisse la réserve… Il y avait en tout et pour tout 13 joueurs (plutôt jeunes et gentils), plus nous deux et une femme !

Attention, je n’ai pas dit une bégueule de 20 piges passées genre Angelicrenewal, ni une faïence de comptoir posée derrière son copain avec des toiles d’araignée entre les jambes, pas non plus une pré pubère avec les seins et les boutons qui poussent comme au printemps ou un cageot des Halles rempli de champignons… Non, j’ai dit une vraie femme : la bonne trentaine, les pommettes hautes, souriante, les cheveux courts et ambrés, les dents longues et blanches dans une robe d’été rouge et seyante (seyante parce que belle silhouette pour mettre dedans). La dernière fois que ce genre de truc est arrivé, c’était en Belgique lors d’un tournoi hallucinant et halluciné avec un Black comme dotation pour cinquante joueurs. J’ai la moitié de Magicville qui confirmera que j’ai pas rêvé ce tournoi surgi des brumes du nord, cette grandiose apologie Oïkesque entre poivrots et chevaliers au pays des bouffeurs de frites et des buveurs de Duvel. De ce grand moment, je me souviens de cette citation dudit Kiliwatch : « Hé ! Attends moi j’té "frotté les fesses" avec ma main inconsciemment. J ai cru que t avais pas senti donc jme suis dit ok c est tant mieux et après tu t es retournée, jme suis excusé et là tu m’as foutu une main au cul…» Grandiose ! Unique !! Et bien, en Belgique, en ronde deux, j’avais rencontré une Mme Ravager que l’avait proprement étalé sur table à défaut d’ailleurs. Mais vous voyez, c’était il y a... 6 mois, le genre d’occasion qui ne court pas les tables de tournois. Et là, comme de bien entendu, je n’avais pas mon « Have a chance ? » sur moi... Je regrettais ses pochettes roses métallisées en train de prendre la poussière sur mon étagère. J’imaginais déjà ce que je pouvais tirer de mon pauvre deck question romance… Bon… Intuition, Recherche désespérée... ça passe mais... soudeur gobelin (ta bouche est comme le fer qui souffle la flamme qui nous soudera... bof...) Titan morceleur (je t’ai vu de loin car je suis sur les épaules d’un titan... rebof...) Bosh (j’ai un outil de pro... on va l’oublier celle là !...). A l’appareillement de la première ronde, j’ai vu que c’était la maman de Vincent, un loupiot de 12 ans. Elle, s’appelle Anne, mais bref trêve de galéjades et autres gallinacés, on n’était venu pour jouer alors…



The show must go one : And the érection too…



Ronde 1

Bon, mon adversaire joue un deck rouge-noir de psychopathe. C’est le killer d’Ozoir. Je vais me faire laminer et tous ses potes se délectent de la curée prévisible. Ils se gondolent d’avance de me voir me faire plier en deux d’une seule main comme une feuille de PQ usée.
Il commence. Tour un : Montagne Choc ; je fais Land - Soudeur gobelin. Tour deux : Marais Marteau sur moi ; je fais Land rien. Tour trois : Land rien et moi Land Intuition (trois titans) – Titan via Soudeur (mange ton marais et ta montagne) et là, tranquille Tour 4 le mec me pose un land et joue Terminaison sur Titan en disant : « Ah, ah, ah… heureusement que je l’ai gardé pour ton gros monstre… » (Accessoirement, il n’a plus un land sur table mais bon… je sens que ça va être du très haut niveau ce tournoi). A la deux, je fais Réanimate sur Akroma tour deux à l’ancienne et « Boum bada boum » comme dirait Lilou!!!

Après le match, je lui demande s’il joue Edit et il me répond : « Eddy, Eddy quoi ? Eddy Mitchell..[MDR, putain d’humour seine&marnais merde !!!] Après le match, Kiliwatch se rue sur moi comme un arnaqueur sur un marmot de huit piges qui vient d’ouvrir un booster. Je me dis qu’il va me raconter comment il a ouvert en deux son guignol en 4 tours mais non… rien de ça. A la réflexion, je crois que c’est là que les ennuis ont commencé parce qu’il m’a dit : « Canard, mais canard, regarde, mais regarde donc !!! ELLE ARRETE PAS DE TE MATER !!! »
Alors moi, benoîtement, j’ai regardé et effectivement, y avait comme une ligne de mire entre elle et moi. Enfin, je suis aussi très imaginatif pour ce genre de choses donc je vérifie quand même. Je lui souris, elle me sourit, je lui souris en réponse, de ce sourire que tout le monde connait bien et qui veut dire : je sais que tu sais que je sais…. J’entends Kiliwatch qui me susurre (il en profite pour me mettre la langue dans l’oreille ce con !) « Tu vois, c’est ça, hein, c’est ça !!! » Bon… d’accord, y a peut être…mais… Mais 10 minutes après Kiliwatch arrive hilare (limite s’il ne remue pas la queue) en me disant : « Dans le cul canard, regarde, y a un mec avec elle, il l’a pas lâché et vu la manière dont elle l’embrasse, c’est pas son frère… » Mais quelle tête de pine !!! Il m’énerve quand il est comme ça Kiliwatch !!! Alors, j’ai voulu faire mon professeur et je lui balance doctement : « Mais arrête, s’il te plait. Quand une fille te sourit et va rouler une pelle à son mec, c’est un message. C’est du symbolisme, c’est subliminal rien que pour ton brain. Tu piges? Tu es aware ou pas ? Ça veut pas dire : « Regarde ce que tu rates » mais « Quand y a pour un, y en a pour deux ». D’ailleurs, tu vas voir, cette femme là, je vais lui parler en tête-à-tête avant la fin. »
« Pourquoi avant la fin ? »
« Parce qu’après, on sera plus là, trou du cul… »
« Ah ouais, c’est aware ça, trou du cul, ça me parle. Bah…si tu comptes sur l’appareillement pour faire quelque chose, je te signale qu’elle vient de perdre…T’as plus qu’à attendre qu’elle aille aux chiottes et tu la serres à ce moment là. »

Merde, il est parfois malin ce Kiliwatch…


Ronde 2

Je joue contre une espèce de Red Deck Win et surtout contre la distraction. Parce que dans le prolongement de mon adversaire, j’ai la jolie frimousse de la dame qui n’a pas l’air plus intéressée que ça par le jeu… Je passe d’un coude à l’autre pour me décaler et pouvoir jeter des regards par-dessus les épaules de mon adversaire, un coup à droite, un coup à gauche. Il me regarde bizarrement parce que je me balance comme un touriste dans un tsunami mais cela ne lui donne pas le mal de mer pour autant car il me bourre copieusement et si le Platinium ne vient pas, l’ange est toujours derrière lui à me sourire encore et encore, tantôt à droite, tantôt à gauche. C’est presque devenu un jeu pour moi d’essayer de deviner de quel coté je vais la surprendre. Je crois même qu’un clin d’œil est parti comme ça, à l’emporte-pièce, juste avant qu’il ne me m’achève au Vortex de base. Après, je sais pas/plus ce que j’ai sidé, Chill, je pense…J’arrive plus à jouer, je tape mon mana nawouak. Je crois que j’ai perdu la deux sur un Chatfeu qui n’est pas mort à la fin du tour et qui m’a bourré deux fois, mais je sais plus vraiment… Mon adversaire a bien profité de mon état émotionnel mais je pouvais pas vraiment lui en vouloir non plus, c’est difficile de jouer contre quelqu’un qui vous regarde comme si vous aviez un écran géant derrière vous et que vous n’existez pas.



Ronde 3

Je joue contre Elfe avec tout le bastringue à oreilles pointues… des guerriers, des pionniers, des lyristes, des prêtresses, des sibylles, tiens une shamane… Je fais le ménage à coups de Fire/Ice et de Bosh à la une et avec Peste artificielle à la deux… J’ai ensuite le temps de faire le point sur ce qui m’arrive. Bon, c’est clair, le mec la lâche pas vraiment et entre les rondes tout le monde se retrouve pour consoler le fiston qui a l’air de prendre un branlée maison. Et, elle ne va pas aux toilettes… Kiliwatch recommence à rigoler en me regardant surveiller la fille qui regarde ailleurs… Et le temps passe… « C’est pas possible » que je me dis « On a commencé depuis trois heures, avec ce qu’elle boit, c’est pas possible qu’elle n’est pas envie. Une femme en régime Volvic, ça doit vidanger toutes les deux heures (oui je sais, je théorise beaucoup…). Au désespoir, avant la fin de la ronde, je décide de tenter le quitte ou double : je me lève et en passant devant elle, je lui fait un signe flagrant de la tête du genre « Accompagne moi » et je m’engouffre dans les toilettes en m’assurant qu’elle m’a bien suivi des yeux.


Ronde 4

Je suis encore dans les toilettes quand commence la quatrième ronde. J’attends, je me lave les mains pour la quinzième fois. J’attends, je regarde d’un air songeur le trou béant des chiottes turques en rêvant de… mais comme pour sœur Anne (tiens, tiens, tiens…), rien ne vient à par une odeur fétide. J’entends au travers de la porte une voix étouffée qui gueule : « Arbitre, j’ai pas d’adversaire… » Mais bon… je tiens encore mon rêve à bout de bras pendant 3-4 minutes puis je finis par accepter la dramatique réalité et il ressort des toilettes. Je reviens dans la salle avec un air dégagé et le sourire du mec qui ne doute de rien. J’entrevois une tache vive et rouge en table 6 mais je ne jette pas un regard de plus vers là ou je sais que je brûle de regarder. Je cherche une table vide, la trouve, m’assois et je me retrouve en face de…. Kiliwatch qui a une gueule d’elfe moqueur et qui me dit comme ça : « Eh ben, t'es resté vachement longtemps aux chiottes, tu t’es branlé ? » J’ai alors un rire de la même couleur que le fond de Magicville. Accessoirement, ce faux frère m’explose la gueule sur deux sorties de porc…



Terminus à Duckcity : Qu'à la fin de l'envoi je touche (le fond).


Ronde 5 (et dernière)

Quand je vais voir sur le petit bout de papier la liste manuscrite que l’irresponsable (ça s’appelle comme ça à ce niveau, hein ?) vient de coller sur le mur, je me vois en face de… oui, d’elle. Jérôme T. (4 pts) contre Anne M. (0 pts)… Le coup de bol incroyable, je sais même pas comment il appareille, le gus mais le fait est que… Bon… À force de la chercher, le hasard me l’apporte sur un plateau comme un fruit de mer. J’arrive après elle. Elle est déjà assise et elle me regarde par en dessous, au travers des cils, en mélangeant son deck en silence. Je ne dis rien parce que je ne sais pas quoi dire après les vingt minutes à regarder le carrelage beige des toilettes (1er prix casto) en gros plan… « T’en veux ou t’en veux pas? » J’entends comme avec du coton dans les oreilles le brouhaha des joueurs qui se déplacent, discutent, commencent autour de nous… On garde tous les deux les yeux baissés, soudain bien moins pressés de se regarder en face. On échange juste un regard fuyant en même temps que nos decks.

Ensuite, elle anticipe : « Vous cherchez quelque chose ? »
Moi : « Effectivement, un dé ou une manière quelconque de savoir qui va commencer »
Elle : « C’est vous. C’est vous qui avez commencé. »
Moi : « Vous avez remarqué ? »
Elle : « Oui, on dirait que l’on était fait pour se rencontrer aujourd’hui. Vous faites toujours tout à cette allure ? C’est dangereux. »
Moi : « Vous avez raison. je vais commencer alors, puisque l’invite est aimable mais pas pour le souffle, pour le renseignement. » (une phrase bizarre qui ne veut rien dire…)
Je pose un land et là, je vois… un fil… oui, sur la robe, un fil…
Moi : « Hôoo, vous avez un fil. »

Spontanément, je pince le fil au niveau du V sur la poitrine, entre le pouce et l’index. Mouvement de retrait de sa part, je m’empresse également de reculer sa main, le fil s’allonge, s’allonge, il se retrouve comme un pêcheur au bord de l’eau, avec une prise au bout d’une ligne d'un mètre de fil rouge…. Elle, muette, me dévisage stupéfaite (une vraie carpe donc). « Tiens, on dirait que j’ai une touche. » (super moyen pour la circonstance…). Pas de réponse, les yeux peut être un peu plus ronds… « Bon… je rembobine? » (tant qu’à être grotesque, autant aller jusqu’au bout). Elle ouvre la bouche, aucun son ne sort. Un long silence de trois secondes au moins. Je comprends alors que je suis tombé sur une moyennement spirituelle) « Hummm, bon, je suis très… excusez-moi… avec des ciseaux…. »
Elle : « Non, c’est bon, ça va aller, je vais le faire moi-même »
Moi : « De toute manière, ça tombe bien, je n’avais pas de ciseaux sur moi, haha aha a…. » (merde, c’est pourtant de l’humour seine&marnais…)
Elle (irritée) : « On est ici pour jouer, alors jouons… »

La partie reprend, assez crispée. Je prends bien soin de n’utiliser que des termes sans double sens, ni double fond mais je cogite à 200 à l’heure pour trouver une solution qui décoince un peu l’atmosphère. Elle joue un deck tribal (zombie) qui n’a pas de solution contre le mien à part des anti-bêtes. Elle me tue un soudeur, puis un second et pose un Pouminfect puis une muse noire. En face, je réanime un titan au Déterrement pour tenir le coup. La partie menace de s’enliser quand arrive Kiliwatch qui avec son ravager 16 lands vient comme d’habitude de torcher son adversaire en sept minutes moins le quart. Comme c’est quelqu’un de délicat et d’attentif, il arrive comme un fennec en rut (vous vous souvenez) : « M’ouarff.. Putain, ho putain, la sauce que j’ai mis au gamin, je te raconte pas… Je l’ai DÉFONCÉ. Tout le deck lui a pété à la gueule. Il a rien compris, le mioche, paf, paf, paf, mox, compteur, cranial, orny, jet trois petits tours et puis sans va. Trop ravager ce deck, trop, trop…Wech… team Crew Riiiiiiipriiiisente Noria ! j’y ai dit Teinkete mec, c’est malnor, t’es petit, prends de l’Actimel pour te muscler le cerveau et tu resteras seul dans la place et tu sais quoi, avec ce que j’y dit y chiale encore, quoi….Gottdam ! Et toi canard ? C’est pique et pique et colégram ou bourre et bourre et ratatam… ? »
Et là, j’ai eu comme un flash ! J’ai relevé les yeux vers mon adversaire et je me suis senti soudain dans la peau d’un hérisson pris dans les phares d’un 38 tonnes. Le genre de regard qui vous perce comme une épée de Kaldra, qui vous anéantit aussi sûrement qu’une Colère de Dieu. Avant que j’aie pu faire une syllabe avec ma bouche, il y a eu un sifflement tangible, comme un avion de chasse qui aurait passé le mur du son dans le lointain. Et putain, on se serait fait coller au mur s’il y en avait eu un… « Je vous signale, espèce de minables (au pluriel ?), que je suis la mère du demeuré en question. Que je me farcis ce jeu de cartes merdique depuis plus d’un an avec lui pour lui faire plaisir et que vous vous foutez allégrement de lui, vous vous conduisez mal… vous… vous abîmez mes vêtements… ».

Là, je dois dire que kiliwatch a été royal comme un couscous : « Mais heuu!!! Elle va se calmer, la vilaine meuf ! Moi au moins je suis pas rousse et je ne porte pas des robes en forme de sac. Et avant de faire un tournoi de haut niveau comme ici, faut peut être penser qu’on va tomber sur des grands joueurs français comme nous. Donc ça se prépare psychologiquement un tournoi comme ça… t’y penses hein, madame la cerise sur le gâteau ? »

Tout le monde nous regardait comme si on était des phyrexians en voyage de noces ou des crazy rabbits évadés. Nous, faire chier le monde? Jamais! Alors, j’ai compris. Je me suis levé très calmement. J’ai été voir Brice l’arbitre pour lui dire que je droppais. Au début, il a cru que je voulais faire un foot avec lui et il a été cherché la balle mais je lui ai expliqué que j’abandonnais la partie en cours et le tournoi. Puis on est sorti comme des princes avec nos affaires et au moment de franchir la porte, je me suis retourné une dernière fois pour visionner cette salle miteuse et défraîchie et m’imprégner de l’atmosphère électrique qui accompagnait notre départ. Le mome avait arrêté de pleurer et m’a fait une grimace de porcin. Son père nous regardait encore avec l’air du mec qui hésite juste pour savoir lequel de nous deux il allait tataner grave en premier. Sa mère, haaaa… sa mère. Elle était encore plus belle en colère, légèrement décoiffée, les yeux émeraude qui avaient viré au vert empire et ce fil qui pendait sur le devant de la robe, et les autres baissant la tête comme une famille en deuil.

Dans la rue Kiliwach m’a dit en baissant la tête « Il parait que c’est super long pour revenir d’Ozoir la Ferrière en RER. ». Il était si triste, si affligé alors je l’ai serré très fort contre moi. Dans la voiture, il m’a fait un suçon dans le cou pour me consoler et depuis on vit ensembles. Voilà…