Sueurs froides : Winner Ex-aequo Contest #10
écrit par canard99


      Il y a une chose qui me fait toujours grincer dans les films policiers, c’est le moment du film où le flic en chef, le héros en bref, se retrouve seul dans son bureau et que cela va mal. A ce moment là du film, le flic est crevé, sur les nerfs, il a des problèmes avec sa femme, l’alcool, son supérieur hiérarchique (rayez la mention inutile)... A ce moment là du film, l’enquête piétine, on est dans une espèce de longueur aménagée en faux plat façon Paris Roubaix sans les pavés. La musique pense que c’est l’entracte et elle se barre faire un tour. Alors, pour ne pas que le spectateur s’endorme, on filme le flic en gros plan, avec zoom sur ses cernes Samsonite, son menton de naufragé du Bounty et sa main qui passe et repasse dans ses cheveux comme une fourchette dans une assiette de frites. A ce moment là du film, il y a toujours un mur avec accrochés dessus des kilos de post-it et des photos de la victime, et souvent elle n’est pas en tenue de première communion.



Le flic se lève, contemple d’une air absorbé et sombre les photos. Il lui pousse alors une ride du lion à faire pâlir d’envie Mufasa. Si c’est un film américain à gros budget, il a aussi généralement une vidéo à visionner et c’est à ce moment là qu’il le fait, au ralenti, pour bien surenchérir sur l’irrésistible torpeur qui s’empare du public. Il se tripote parfois la bouche avec les doigts pour mieux réfléchir (dans les films, le héros ne se lave jamais les mains mais heureusement dans les films le héros ne va jamais aux chiottes non plus). L’instant d’après, il sort un petit calepin ou un bloc-note, et A CE MOMENT LA, oui juste là, il note trois quatre noms, un ou deux lieux préalablement visités dans le film (au choix : parking / pizzeria / loft…etc) il assaisonne le tout avec un mobile, qu’il biffe, change comme nous quand on hésite entre la tartare et la béarnaise, et pan… la solution apparaît, toute nue, resplendissante de simplicité. La musique revient après s’être refait une santé au bar et généralement on a droit à une poursuite en bagnole grand style dans les cinq minutes qui suivent. Good Job !!!



Mais putain de merde, j’ai tout fait pareil chez moi. J’ai attendu trois heures du matin en me mettant en condition avec une bouteille de Cardhu. J’ai même poussé la vraisemblance jusqu’à me mettre du gel dans les cheveux et à me tripoter inlassablement le bouc pour avoir l’air d’un vrai penseur. J’avais fait le plein de questions bien sévères (non, pas des histoires de TEF) des questions de métagame, de card advantage, de mana curve, de bi-colored splash, d’axial control, de timing score, de Top deck of the Pop, de Gimme all your loving Babe... heu, pardon... Donc, vous voyez, je l’ai vraiment fait hardcore.



Scotchées sur le mur, il y avait des photos de la belle Méloku, des Sakura’s brothers, de Kiki « frappe deux fois », celle de ma muse aussi : Azusa, égarée mais enquête. J’ai compulsé les comptes-rendus des interrogatoires des témoins (éternels) les listes des decks des joueurs qualifiés au France que j’ai regardé bien que l’absence de mon nom me fasse un mal de bide effroyable (mais le whisky devait y être pour pas mal aussi). Après ça, je me suis assis au bureau et j’ai agité nerveusement mon stylo... Arrêt du temps... je ne suis réveillé la tête dans les bras, les cheveux collés sur les poils à cause du gel et de la sueur. La bouteille vide me regardait avec un air de femme violée et, et rien, nada... pas le moindre début de solution géniale, pas d’éveil brusque, juste l’impression d’être passé sous la charrue. Magic, c’est pas du cinéma.