Hello,
Merci à ceux qui ont pris le temps de me répondre, c'est très intéressant à lire. Je reviens sur différents points, toujours avec ma grande capacité de synthèse brève et digeste :D
@Zesword (concernant le message "Loyers") : le problème du logement est sacrément multi-factoriel, du coup toute réponse simpliste est erronée. Dans les facteurs qui mettent le bazar et sont peu mentionnés, il y a les changements sociologiques majeurs des dernières décennies, en particulier l'explosion du nombre de familles séparées. Monsieur et madame avec deux enfants dans un appart' de 80m², ça occupe moins de place que Monsieur et madame chacun dans un 60m² pour pouvoir accueillir leurs enfants en alternance. Sans aucun jugement de valeur sur cette évolution, ça a mis une grosse pression supplémentaire sur l'immobilier. Il y a aussi les nombreuses normes, par exemple handicapés, qui renchérissent le coût de construction. Là non plus pas de jugement (dans ce cadre) sur leur pertinence ou non, ça fait juste partie des nombreux paramètres qui influent sur les prix.
Les HLM c'est un autre sujet de débat. En particulier parce que les promoteurs qui doivent construire un certain pourcentage de logement HLM qui leurs seront rachetés obligatoirement à prix coûtant (voire à perte...) sont obligés de répercuter les coûts sur le reste des logements construits, ou de renoncer à certains projets dont la rentabilité est artificiellement rabaissée. La question de fond, c'est en fait celle du "droit au logement" : l'état est-il responsable du nombre de logement disponibles ? Et surtout (je renvoie au texte "ce qu'on voit, ce qu'on ne voit pas" de Bastiat qui est plus efficace que moi malgré le style vieillot), pour une personne logé en HLM ou bénéficiant de loyer plafonné qu'on voit, combien y en a-t-il (qu'on ne voit pas directement) qui ne trouveront rien, ou se contenteront de logement inadaptés ou au mauvais endroit parce que les promoteurs ont été empêchés de construire là où il y avait une vraie demande ?
Concernant le dernier message : je n'ai pas l'optimisme de prédire qu'on va trouver des solutions géniales à coup sûr, et qu'en conséquence les problèmes d'aujourd'hui ne sont pas importants sur le long terme. En revanche, il faut avoir la modestie de ne pas voir le futur trop exclusivement avec notre prisme actuel, sinon on prend de mauvaises décisions de très long terme. De plus, c'est souvent une trop bonne excuse pour les politiciens : "Oui, on a des résultats nazes, mais c'est parce qu'on pense principalement au futur, ayez confiance". Pratique, vu qu'ils ne seront plus là pour payer leurs erreurs dans quelques décennies. C'est très bien de penser long terme, mais gagner en résilience et en efficience des ressources aujourd'hui sera sûrement plus profitable à l'avenir que des grands plans détaillés pour le siècle suivant. Autre exemple pour la bonne bouche : quand les chênes plantés à grand frais par Louis XIV et Colbert pour assurer enfin la victoire sur la flotte anglaise sont arrivés à maturité, on s'affrontait avec des bateaux à moteur...
@acwi :
Citation :
Tout ça pour dire que les théories économiques de XIXè (libérales ou autres), qui ne prenaient pas en compte le fait qu'une croissance infinie dans un monde fini n'est pas viable, sont pour moi aujourd'hui caduques.
J'ai tendance à trouver cette phrase un peu facile pour clore les débats. D'abord elle n'est pas rigoureuse : par exemple si tu modélises la croissance par une courbe logistique, elle peut être infinie ET bornée. En plus, ça ne dit rien de la distance de cette "fin du monde" (ou de la croissance). Certes, l'entropie augmente inexorablement, l'univers finira probablement en un grand chaos froid dépourvu d'énergie (même s'il reste quelques supporters du "big crunch"). Mais on sait que c'est dans quelques milliards d'années, une distance qui est presque métaphysique pour nous, ce serait dommage de déprimer à cause de cette fin pourtant inéluctable.
Pour notre monde, je te répondais partiellement en évoquant la difficulté de définir une ressource. Je suis incapable de dire si notre "horizon de finitude" est à 30 ans, 100 ans, 1000 ans ou plus. Et je suis rarement convaincu par les gens qui en ont une définition péremptoire. Le "peak oil", par exemple, est annoncé pour dans 30 à 50 ans... depuis le début du XXème siècle.
Un jour de 1980, un libéral et un "décroissant" (partisan des théories du club de Rome prévoyant une crise rapide liée à l'épuisement des ressources) ont fait un pari à échéance 10 ans, le premier pensant que l'accessibilité des ressources aurait augmenté en moyenne (donc leur prix baissé, corrigé de l'inflation), l'autre pensant que les ressources se seraient raréfiées. Je vous laisse lire les détails de ce pari ici, c'est très instructif, et ça rejoint aussi les questions de zesword sur la gestion long terme des ressources :
https://leblogdenathaliemp.com/2021/01/22/epuisement-des-ressources-le...
Spoiler alert pour ceux qui auraient la flemme de lire : le libéral a gagné son pari, et d'assez loin, les ressources étaient plus accessibles 10 ans plus tard, malgré une demande en forte augmentation. Là encore, ça ne veut pas dire qu'il en sera toujours ainsi, mais que les prévisions les plus alarmistes ne sont pas toujours les plus raisonnables.
@ tatanka (je ne reviens pas sur tout parce que c'est déjà trop long) :
Citation :
Donc oui tu as raison sur le fait que le pouvoir change les gens, c'est pour ça qu'un salaire universel ne peut s'inscrire que dans un nouveau paradigme, une démocratie participative avec un RIC qui donne les pleins pouvoir au peuple, jusqu'à déchoir des élus, présidents, etc. Et voter pour les mesures proposées évidement. Les modalités de vote seront à débattre et à trancher démocratiquement également, bref le temps que dégagerait un salaire universelle permettrait un exercice démocratique populaire et réel.
Le premier soucis de la "démocratie populaire", c'est que ça pose de vrais problèmes de représentativité, différents du système actuel mais pas négligeables. Si ça passe beaucoup par internet, les plus âgés s'exprimeront beaucoup moins. Si plein de décisions sont prises par des votes (mettons hebdomadaires), fort risque de poids politique exagéré de gens peu actifs ou très militants ayant beaucoup de temps à y consacrer, pendant que ceux qui bossent 60h par semaine (ou ont de gros projets perso, ou une famille à gérer...), qui arrivent à s'intéresser assez à la politique pour élire des représentants ponctuellement, ne trouveront pas ce temps pour des votes réguliers, et seront donc mal écoutés. Quitte à se rapprocher d'un système existant, j'aime bien celui des Suisses, ou le référendum d'initiative populaire fonctionne réellement, mais il y a assez de filtres pour que ça arrive environ 5 ou 6 fois par an, assez espacé pour avoir le temps de débattre et de voter.
Ensuite, tu supposes que les citoyens voteraient probablement dans ton sens (et dans celui du salaire universel) si on leur donnait vraiment la parole, ça reste à prouver.
Citation :
Le très gros problème du capitalise ou du libéralisme, c'est qu'il cause des crises systémiques depuis des décennies
Là aussi c'est un peu facile à dire ce type de lieux communs. C'est quoi une crise ? Pour certains par exemple, le risque de crise majeur c'est quand on n'est pas sûr d'avoir à manger le mois prochain. Globalement les sociétés capitalistes et libérales ont réduit énormément ce type de crises par rapport aux autres modèles de sociétés. Certes, les crises financières n'existent pas dans une société de troc. Mais en moyenne, on y mange quand même moins bien et moins souvent (sauf si on est très peu nombreux dans une nature luxuriante et accueillante, si on veut chipoter, mais ça n'est pas la norme). Il ne suffit pas de constater qu'il y a des crises pour discréditer un modèle politique et économique, il faut prendre le temps de comparer ses avantages et inconvénients par rapport à ses concurrents.
Par ailleurs, puisque tu mentionnes les anarchistes (je parle des vrais, pas les marxistes déguisés) en fin de message, je précise qu'en général les libéraux apprécient beaucoup les expériences concrètes de petite échelle. Ils valorisent l'usage de la subsidiarité, c'est-à-dire faire exécuter chaque tâche par la plus petite structure capable de la mener à bien (pour éviter les usines à gaz bureaucratiques), et la responsabilité prise par les gens qui veulent s'en sortir en mettant en application leurs valeurs, sans attendre de l'aide ou la permission des lointains dirigeants.
@yinyin
Citation :
À notre époque, on pourrait clairement sortir d'un système productiviste basé sur la maximisation du profit pour le remplacer par un modèle où le bien commun serait la valeur-clé.
Le bien commun, c'est un excellent principe, mais il en existe trop de définitions pour se baser dessus. Un peu comme le bon sens, tout le monde trouve ça très important, mais on n'arrive pas tous aux mêmes conclusions en l'utilisant. Et même la notion "d'essentiel" que tu mentionnes aussi varie fortement selon les points de vue (la pyramide de Maslow est une base honnête mais ça reste simpliste).
Pour ne pas rester trop abstrait : si je creuse un puits de pétrole, est-ce que je sers le bien commun en permettant à plein de gens de voyager et de se chauffer (entre autres), ou est-ce que je nuis au bien commun en réchauffant la planète ? Est-ce que passer mon champ en bio sert le bien commun parce que j'utilise moins de produits chimiques, ou est-ce que ça lui nuit parce que je donnerai à manger à moins de monde (ce qui pourra m'obliger à déforester pour compenser) ? Tant que le concept ne fera pas l'unanimité sur des questions aussi cruciales et complexes, je recommande de l'utiliser avec beaucoup de prudence...