Bonjour chers Magicvillois,
A une ou deux exceptions près, je lis qu'il existe une sorte de consensus par rapport à la décision de Wizard de bannir des cartes "racistes". Tout le monde prenant ceci à l'humour, avec raison sans doute.
Cependant, je pense que ce tracas d'aujourd'hui n'est que la suite logique d'un mouvement de l'Histoire entamé il y a déjà quelques décennies et qui devrait (ou pas ?) nous conduire vers un changement sociétal déjà bien amorcé.
Il semblerait que nous amarrions à la fin d'une civilisation ou d'une forme de civilisation. L'histoire nous montre, à travers quelques exemples (citons ici la chute de Rome, la Révolution Française ou l'avènement du fascisme en Italie) une même logique inhérente à ces chutes d'empires. Partout, de tout temps, le cycle est le même : dénigrement de soi puis haine de soi qui conduit l'autre à me haïr puisque je suis haïssable. C'est alors le temps du manichéisme où l'idéologie supplante la raison : tout est idéologie (même un jouet devient raciste) et il n'y a plus de frontière entre l'objet social et l'objet politique. L'autre est idéalisé et pour se faire pardonner d'exister, il vient ensuite une première phase d'excuses et de réeducation. Souvent tout ça se termine dans le sang avec une Révolution ou une guerre qui vient entériner la victoire sur le mal et détruisant le passé (La Révolution ira jusqu'à renier le temps avec le calendrier Révolutionnaire remplaçant le grégorien.... Evoquons aujourd'hui notre reniement du passé et des oeuvres d'art à travers des films ou des oeuvres bannies). Et puis.... Un nouveau cycle commence au moment où la nouvelle civilisation fête son avènement et peu à peu va générer ce qu'elle a de plus beau avant de commencer à s'ennuyer d'elle-même... Puis se détester.... Et recommence ce nouveau cycle.
Concernant la phase de dénigrement, je ne peux m'empêcher de penser au sort de la noblesse française qui a commencé, gentiment, à rire d'elle-même en allant au théâtre voir Marivaux ou Beaumarchais les railler. Et plus dures étaient les pièces, plus ridicules ils étaient et plus ils payaient cher les places. Plus ils invitaient à leur salon ceux qui allaient les détruire. Critiqués comme étant source de tous les maux du peuple, l'autodérision de la noblesse céda peu à peu sa place à l'autoflagellation et à la haine de soi. La caractéristique de ces périodes étant la démission de la logique au profit de la sensibilité populaire mue par une idée simple qui doit sauver le monde : le valet (plus tard le sans culotte) est le BIEN et le noble est le MAL. (Nous retrouvons aujourd'hui la capture de la dialectique par la non pensée populaire avec les réseaux sociaux, matrice de la société du spectacle). Les nobles français finirent par attirer la haine sur eux et on connaît la suite... Car tout est trop tard. L'exemple de la noblesse française est édifiant : C'est elle qui a montré tous ses défauts, c'est elle qui a attiré la haine sur soi, c'est elle qui a baissé les armes, et enfin, c'est elle qui a commencé la Révolution, de Vizille jusqu'à la nuit du 4 août qu'elle fait quasiment seule.
L'exemple romain est le même. Il est d'ailleurs amusant de constater que c'est au moment où Rome fut forte qu'elle fut "inclusive" (avec un sénat bigarré) dirait-on aujourd'hui. Parce qu'une société sûre d'elle même ne cherche pas à exterminer ou rabaisser l'autre.
Mais le symbole d'une société décadente est de douter de tout et par commencer d'elle-même. L'occident (Etat-Unis et Europe, il n'y a pas de réelle différence dans ce cas) joue depuis quelques décennies sur un diptyque manichéen de la figure indigène idéalisée (part de rien, réussit tout, se bat contre les préjugés et cetera) contraire de l'ignoble némesis de la figure du "mâle blanc". Comme une catharsis généralisée, on a l'impression que la civilisation entre dans une phase quasi shamanique d'auto flagellation (un ministre se mettant à genoux), une hystérie collective qu'on ne trouve, il me semble que dans les périodes de décadence d'une civilisation. A ce moment-là, toutes les valeurs sont inversées : je pense souvent à l'exemple de caricaturistes qu'on traitait de lâches alors qu'on venait de brûler leurs locaux, tandis qu'on laissait passer ces insultes dans la bouche d'un prophète extrêmiste ayant pignon sur rue en France. Lui qui avait plusieurs femmes et voulait faire appliquer la charia devenait le parangon du féminisme, le héros de la liberté tandis que les caricaturistes de gauche devinrent les fascistes ! Et je repense à chaque fois aux massacres de septembre 92 quand les aristocrates enfermés dans les prisons étaient torturés... A moitié mort, on disait encore qu'ils complotaient tandis que leurs lâches bourreaux qui se nettoyaient de leur sang étaient des opprimés !
Le rôle des médias, hier comme aujourd'hui est déterminant. Je pense en riant aux fameuses "fake news" au "check fact" omettant de dire que le simple fait de choisir ce qu'on va vérifier est idélogie. Je pense aux journalistes inquisiteurs toujours prêts à critiquer les mêmes personnes et à en taire d'autres. La déficience généralisée de tous les corps d'Elite (politiques, médias, intellectuels) est le signe certain d'une grave dégénérescence de civilisation.
Evidemment, chaque époque procède de sa propre destinée mais certains points communs ne sont pas neutres et peuvent servir d'enseignement. Si le confort matériel dont nous jouissons aujourd'hui est bien plus important qu'en 89 et que, par conséquent, on ne peut imaginer une révolution, l'hystérie généralisée dans laquelle nous vivons n'a rien à envier aux périodes les plus extrêmes de l'histoire. J'imagine bien l'ordre des Oiseaux de Game of Thrones, belle métaphore de Torquemada, tenir Justin Trudeau par la main ou toutes ces "stars" ridicules toujours promptes à jouer les Tartuffes, que ce soit pour Me Too ou aujourd'hui BM. L'indigence de la pensée régnante céde aujourd'hui place à la destruction de toute pensée : seule compte l'image et non plus l'analyse.
Je ne suis pas devin, anticiper une décadence de l'Occident a été écritE, dite, imaginée des milliers de fois et que je sache, l'Occident dicte encore ses règles et l'Europe reste la première puissance financière du monde. Mais il me semble que le niveau de haine de soi où cette civilisation arrive, les convulsions de ses peuples (Bonnets rouges, Gilets jaunes - qui rappellent les émeutes frumentaires précédant la Révolution) l'inversion totale des valeurs et l'autoflagellation cathartique généralisée auront nécessairement des conséquences sur les générations futures.
Enfin, totalement d'accord avec JMB concernant le paragraphe ci-dessous de Maro, qui ressemble à s'y méprendre à une litaine de Kamenev en 36 :
Citation :
Fourth and finally, this has been a time of self-reflection. There’s three truths about myself I must come to terms with. One, I’m a white man that grew up in America in the 70’s and 80’s. I need to recognize that a lot of things I’ve internalized as normal and “just part of life” have ugly aspects tied to them. I need to self-educate to understand these biases so that I can remove them. Two, I sometimes miss larger context to the things I say or do. It’s on me to use whatever resources necessary to avoid doing this in the future. Three, I need to learn how to be a better advocate for black people (as well as other people of color and women). It’s not enough to just do no wrong. I need to listen and learn the things I can do to actively make things better. Not solving the problem is being part of the problem.
Ce paragraphe - hallucinant - résume tout ce qui est susmentionné. La déraison la plus totale au profit d'une seule, une idée unique auxquelles doivent se rattacher TOUTES les autres. Une seule idée pour les gouverner toutes : le blanc est coupable. De cette idée découle le monde, l'idée et le réel. Car ce n'est plus la raison, l'analyse ou "l'objet" qui servent de matériau à la réalité. C'est l'idéologie qui fait la réalité.
On a parlé de Procès de Moscou et quelqu'un a comparé cette autocritique à 36. Mais les mencheviks et les anciens bolcheviks étaient torturés et drogués comme il faut pour s'accuser de tous les maux. Ici personne ne demande rien à Maro... Mais il fait comme tout le monde car tout le monde déverse sa petite haine de soi. "I need to recognize" = il doit avouer. Son pêché originel est d'être blanc "I'm a white man". Là encore, le réel cède à l'idée originelle.
Le pire est à venir (mais se rend-il compte de ce qu'il écrit ???????) "I need to self-educated"... Il faut se rendre compte (même si cela prête à rire) des conséquences de ce genre de phrases... En d'autres temps, en d'autres sociétés.... Si je suis une personne coupable, coupable parce que né comme ça, parce que je suis hors du réel et du bien... Et si je n'arrive pas à me réeduquer alors quelle est ma place dans la société ? Et si la société devait éradiquer les êtres comme moi coupables d'opprimer les autres ? Si dans la
réalité, j'empêche le bonheur des humains ?
Haine de soi, haine de l'autre, oeuvres d'art censurées, mouvements de foules (et d'élite) hystériques, idéalisme, supplantation de la raison au profit de l'idée, auto critique et réeducation, déchéance morale et intellectuelle des élites et des journalistes.... S'il faut éviter l'anachronisme, ces éléments restent quoiqu'il en soit les matrices et les points de convergence des régimes où la politique et l'idéologie précèdent l'existence individuelle et le social, régimes que l'on qualifie de "totalitaires".