Il ne faut pas confondre le nombre de morts et la létalité des deux virus.
Question posée par Jean-Paul le 23/02/2020
Bonjour,
Depuis le début de l’épidémie de Covid-19, vous avez été nombreux à nous interroger sur le nombre de morts, en nous demandant de le comparer avec celui de la grippe saisonnière.
Celle-ci fait, selon l’OMS, de 290 000 à
650 000 décès par an dans le monde entier. En France, pour la saison 2018-2019, elle a fait 8 100 morts. La létalité (le nombre de morts par rapport à la population infectée) de la grippe saisonnière est de 0,2 à 0,5%
selon Santé publique France.
Concernant le Covid-19 : on compte
selon l’université de Baltimore 2 810 décès dans le monde. Deux personnes sont mortes en France à cause du Covid-19 depuis le début de l’épidémie. Concernant la létalité,
une étude publiée il y a quelques jours par le Centre chinois de contrôle et de prévention des maladies (CDC) revient en détail sur l’épidémiologie du virus grâce à des données collectées jusqu’au 11 février. La létalité du nouveau coronavirus est de 2,3% (si l’on ne compte que les cas confirmés par des tests de l’ARN viral prélevés dans la gorge), et de 2,6% si l’on compte tous les cas de personnes contaminées. Dix fois plus que pour la grippe saisonnière en France.
En clair, si on se fie aux chiffres bruts : la grippe saisonnière tue beaucoup plus de monde que le Covid-19 à ce jour (ce qui est logique étant donné le nombre de personnes exposées). Mais la létalité du Covid-19 est nettement plus importante que celle de la grippe.
«Comparer des choux et des carottes»
Pour autant, cette seconde comparaison ne veut pas dire grand-chose. Premièrement, car les deux maladies ne touchent pas les mêmes personnes. La grippe saisonnière touche beaucoup les enfants, mais avec un très faible taux de mortalité, alors que les personnes âgées, moins touchées, ont le plus fort taux de mortalité, explique à CheckNews Bruno Lina, virologue et chercheur au Centre international de recherche en infectiologie (Ciri). Ainsi, 64% des morts de la grippe saisonnière en 2018-2019 avaient plus de 65 ans, selon Santé publique France.
Selon le CDC chinois, les enfants ne sont pas du tout touchés par le Covid-19. Les moins de 10 ans représentent moins de 1% des personnes contaminées. «On observe des formes graves de Covid-19 chez des adultes de moins de 65 ans, ce qui est rare pour la grippe», explique le chercheur. «Ce n’est pas la même épidémie, elle n’a pas la même circulation, et ne touche pas les mêmes tranches d’âge. C’est comme comparer des choux et des carottes», résume à CheckNews Bruno Lina.
Dans le détail, voici les statistiques sur la létalité du Covid-19. Les personnes âgées de plus de 80 ans sont les plus touchées : la létalité pour leur tranche d’âge est de 14,8%. Elle est de 8% pour les 70 à 79 ans, de 3,6% pour les 60-69 ans, 1,3% pour les 50-59 ans, 0,4% pour les 40-49 ans, et 0,2% pour les 10-39 ans. Les femmes meurent moins que les hommes : 1,7% de létalité contre 2,8%. Les personnes originaires du Hubei, la région où se situe Wuhan, l’épicentre de l’épidémie, sont plus touchés puisque le taux est de 2,9% contre 0,4% dans les autres provinces. Les patients déjà atteints de maladies cardiovasculaires sont les plus menacés (10,5%) devant les diabétiques (7,3%) ou les personnes souffrant de maladies respiratoires chroniques (6,3%) ou d’hypertension (6%). Au total, 80% des cas de Covid-19 sont bénins, selon cette étude. La période où la létalité a été la plus forte a été celle menant jusqu’au 10 janvier (15,6%). Du 1er au 11 février, elle était de 0,8%. Cette très forte chute s’explique par le fait que sur la première période (du 1er au 10 janvier), il y avait encore très peu de cas diagnostiqués (653 cas, pour 102 morts).
«Sommet de l’iceberg»
Par ailleurs, la létalité n’est pas calculée de la même manière pour le Covid-19 et la grippe saisonnière. Les chiffres chinois s’appuient uniquement sur des diagnostics. «Pour la grippe saisonnière, en France par exemple, on met en place un système de surveillance, et à partir des cas répertoriés, on extrapole», explique le virologue. L’année dernière, CheckNews vous expliquait
dans le détail comment se faisait cette extrapolation. «Si on regardait la seule population diagnostiquée, on ne trouverait pas une létalité de 0,2% mais probablement beaucoup plus», affirme Bruno Lina.
Il est de toute façon encore trop tôt pour pouvoir comparer les deux maladies. «On n’a que le sommet de l’iceberg pour l’instant», indique le virologue. On ignore encore comment va se transformer l’épidémie.
L’étude chinoise compare le Covid-19 avec les deux précédentes épidémies de syndrome respiratoire, le Sras en 2002-2003 et le Mers en 2012. La létalité du SRAS était de 9,6% en 2002-2003
selon l’OMS, et elle est de 34,8% pour le Mers, qui est toujours en cours.
Cordialement
Pauline Moullot