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Canard enchaîné n°5084 |
le 11/04/2018 9:51 |
Deux articles dans le canard de mercredi dernier, qui ne donnent pas vraiment envie d'embrasser des deux bras tout de suite la révolution de l'IA.
Banques expertes en virement de personnel a écrit :
"Hautement confidentiel..." Le document distribué le 20 mars par la direction de BNP Paribas aux membres du comité central d'entreprise entend faire du groupe le premier de la casse. Baptisées "projet Centre de service", ces 70 pages, épluchée par "Le Canard", expliquent comment, grâce à l'intelligence artificielle, répondre aux questions des clients via le Web, le mobile, les mails, les tchats, etc. Et, dans la foulée, annoncent la suppression de 950 à 1000 postes d'ici à 2020...
Pour l'instant, la direction de BNP Paribas assure qu'il n'y aura aucun licenciement - en tout cas, jusqu'en 2020. Il faut dire qu'elle peut compter sur un réservoir de départs naturels de 5000 personnes. La Société générale, pour sa part, a annoncé, le 1er mars, la signature d'un accord de rupture conventionnelle concernant 2135 postes au sein du réseau France. Les syndicats s'attendent à des annonces perlées dans toutes les banques...
"Aujourd'hui, l'intelligence artificielle gère principalement les mails clients, mais, dès demain, c'est la relation complète avec le client qui pourra être gérée par un conseiller virtuel", explique un représentant de FO-Banques. Le syndicat évalue à 30000 le nombre d'emplois menacés à court terme dans l'Hexagone, sur un total de 140000.
En 2017, les cinq premiers groupes du secteur bancaire ont réalisé d'énormes profits: 23 milliards d'euros, au total. Mais les malheureux BNP Paribas, Société générale et BPCE (Banque populaire-Caisse d'épargne) soulignent que leurs résultats dans la banque de détail s'effritent. Et de nouveaux acteurs venus de l'Internet ou des télécoms, comme Orange Bank, ont fait irruption.
Dans ce contexte, l'intelligence artificielle fait figure de Graal. Répandu dans les pays scandinaves, le logiciel Amelia permet à un conseiller client de gérer 10000 comptes, contre 500 en France pour un employé non équipé. Le Crédit mutuel-CIC espère suivre ce chemin. À ses employés, il a confié Watson, un logiciel d'IBM qui a également séduit les dirigeants d'Orange Bank.
Vous avez dit "élémentaire" ?
Personne pour conduire la voiture a écrit :
Elle était très bête, la voiture intelligente qui a écrasé une piétonne, le 19 mars, en Arizona. C'était pourtant une Volvo XC90 dernier cri, censée être "autonome". On n'arrête pas de nous bassiner avec les "voitures autonomes", qui roulent sans conducteur. C'est, paraît-il, l'avenir. Macron y croit: il a annoncé la semaine dernière qu'il mettait 1,5 milliard d'euros dans un grand plan visant à développer l'IA - traduire : "intelligence artificielle" -, et qu'une belle partie de ce bel argent public servirait à la voiture autonome. Tout sera fait, a-t-il annoncé, pour que, d-s 2022, de tels véhicules puissent circuler en France. Il a ajouté qu'il ne fallait pas "avoir peur".Il faudra juste faire attention en traversant la route...
Pourquoi pousser ainsi l'avènement de la voiture autonome ? Il y a urgence ? Pourquoi notre héraut nationale de l'IA Cédric Villani appelle-t-il l'Europe à "adapter le Code de la route par anticipation", de manière qu'elle déboule le plus vite possible ? Qui a décrété que ce serait mieux pour tout le monde, la voiture autonome ? On ne sait pas. On promet vaguement qu'elle "servira à optimiser les flux des transports, contribuant ainsi à réduire l'empreinte du secteur" ("Les Échos", 29/3). Traduit en français, ça veut dire quoi ? Rien. Juste un vœu pieux, qui a pour avantage de donner une coloration verdâtre à ce nouveau gadget. Que feront les voitures autonomes le jour des grands départs en vacances ? ou en plein embouteillage ? Comment réduiront-elles l'"empreinte du secteur" ? En rentrant toutes seules à la maison ? Ça serait distrayant...
Au volant de la voiture autonome qui a tué la piétonne américaine, il y avait un opérateur. Lequel ne regardait pas la route : normal, il faisait confiance à sa machine. Que s'est-il passé ? La victime, dit-on, a surgi très rapidement. La voiture autonome n'a rien vu venir. "Un opérateur plus vigilant aurait-il pu éviter le drame ?" se demande "Le Figaro" (31/3), auquel on aimerait faire remarquer qu'"un opérateur plus vigilant" ça s'appelle un conducteur. "Plus grave, le véhicule autonome n'a pas réagi. Ni tentative de freinage ni coup de volant. Il aurait dû", remarque "Le Figaro" finement.
Peu après l'accident, un expert expliquait sur France 2 que, certes, cet accident était bien embêtant, mais qu'il ne remettait pas en question l'avenir radieux de la voiture autonome, dont la mise au point suppose évidemment quelques ajustement... Sanglants ? Dans un ouvrage récent (1), Nicholas Carr note ceci : "Chaque fois qu'un instrument nous sert à acquérir une nouvelle aptitude, le monde devient différent et plus fascinant encore." Relevant que ce n'est pas le cas de la voiture autonome ni des technologies numériques, il nous invite à résister à l'automatisation générale de la société. C'est comment qu'on freine ?
(1) "Remplacer l'humain, critique de l'automatisation de la société", l'Echappée, 280 p., 19€
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