Citation :
Il est amusant d’ailleurs que tu cites le monogénisme sans parler de son pendant, le polygénisme.
En quoi le polygénisme serait le "pendant" du monogénisme ?
Le monogénisme a été la seule manière d'envisager les choses pendant des millénaires, sur la base des textes monothéistes.
Wikipédia, Polygénisme a écrit :
La découverte des Indiens d'Amérique, qu'on ne sait comment rattacher à Adam, contrarie la thèse de l'unité du genre humain que soutient l'Église.
Le polygénisme est annoncé dès le XVIIe siècle par la théorie préadamite d'Isaac La Peyrère.
Il est défendu au XVIIIe siècle par des philosophes des Lumières comme Voltaire pour s'opposer à l'Église catholique et au récit biblique dans lequel la terre est peuplée par les descendants d'Adam
Polygénisme qui n'existe pas encore chez La Peyrère, puisqu'il considère que les juifs descendent tous d'Adam, qui lui-même a les mêmes ancêtres que le reste de l'humanité. Il n'y a donc chez La Peyrère qu'une seule origine qui a donnée plusieurs lignées (dont celle des juifs, descendants d'Adam).
Et n'allez pas croire qu'il y a eu un changement de nature dans la lignée adamique : comme tous les autres de son temps, il est fixiste (les espèces n'ont pas changée depuis leur création par Dieu). Ce qui distingue la lignée adamique des autres ici, c'est qu'elle a été mise au fait des lois de Dieu et pas les autres.
Cette mise au fait des lois de Dieu est pour les chrétien commune à tous les humains, ils descendent tous d'Adam et tous portent en eux le péché originel. Alors que pour La Peyrère le péché originel ne concerne que ceux qui descendent d'Adam, selon lui les juifs.
Wikipédia, Préadamisme a écrit :
Le préadamisme annonce le polygénisme et donc le racisme moderne. Une des premières théories raciales est présentée le 24 avril 1684 par François Bernier, un ami de la Peyrère, dans son Une nouvelle division de la Terre, selon les différentes espèces ou races d'hommes qui l'habitent parue dans le Journal des Sçavans. Quatre ou cinq races y sont présentées, sans toutefois de distinction hiérarchique entre elles. Bernier publie anonymement du fait de l'opposition générale au préadamisme.
Bernier qui, ne proposant pas de hiérarchie, ne peut pas être considéré comme raciste.
Citation :
D’autre part, le monogénisme n’exclut ni la pensée raciste, ni l’existence des races. Comme je l’ai dit plus haut, Cuvier, même s’il penche du côté du monogénisme, stipule clairement que l’humanité, même si elle a une origine commune, est divisée en trois races, reléguant au bas de l’échelle la race noire.
Je n'ai pas prétendu que le monogénisme excluait toute classification à l'intérieur de l'espèce humaine (les races). Et pour cause Darwin est monogéniste, et c'est lui qui a donné au racisme ses bases théoriques (involontairement).
Par ailleurs faire des classifications à l'intérieur de l'espèce humaine n'implique pas le racisme, il faut plus que ça pour que ce soit du racisme (hiérarchie + explication par des caractères strictement héréditaires). Bernier en est un exemple.
Mais Cuvier n'est pas seulement monogéniste, il est aussi fixiste : nous avons tous la même origine et nous n'avons pas changé depuis l'origine. C'est au cours de la vie individuelle que nous nous différencions, par l'environnement.
Lorsque tu mets dans la bouche de Cuvier un concept de race qui implique une différentiation par l'ascendance tu commets une erreur, Cuvier ne pouvait pas penser un tel concept.
Lui comme ses contemporains emploient le mot "race" dans un sens beaucoup moins défini. N'oubliez pas qu'à cette époque l'hérédité des caractères est un truc qui ne va pas de soi, qu'il n'y a pas de modification de la nature des êtres d'une génération sur l'autre, etc.
Tu cites Blumenbach :
Wikipédia, Blumenbach a écrit :
Son apport le plus connu en matière d'anthropologie est la définition de la notion de race dans le cas de l'espèce humaine. Cette définition fut victime d'un contresens notable par les commentateurs, et l'on en vint à considérer qu'il était le premier promoteur de la notion d'une race humaine comme groupe fermé doté de caractéristiques héréditaires durables. En réalité, Blumenbach est avant tout le tenant de la théorie dite dégénérationniste, selon laquelle tous les hommes proviennent d'une souche unique, et ne sont différents qu'en vertu de modifications climatiques progressives et réversibles. C'est ce qu'il appelle le phénomène de la dégénération (Abartung). Il considère de fait les races comme des êtres de raison, des instruments d'approximation pour saisir la diversité humaine, qui est partiellement un continuum passant par des transitions. C'est seulement sous l'influence d'Emmanuel Kant, qui publia différents traités sur les races humaines entre 1775 et 1788, que Blumenbach révise ses positions au milieu des années 1790 et admet que certaines différenciations du phénotype pourraient être irréversibles.
Et comme tu le dis toi-même, il ne propose pas d'échelle de valeur. Ce n'est donc toujours pas du racisme.
Tu cites Meiners, polygéniste, que je ne connaissais pas. Là ça devient du racisme, on est d'accord (fin XVIIIe - début XIXe). Voir l'article Wikipédia anglais :
https://en.wikipedia.org/wiki/Christoph_Meiners
Son usage du mot "race" ne correspond toujours pas à ce qu'en fera la théorie raciste, ça correspondrait plutôt au sens que l'on donne actuellement à "espèce". Mais on a bien des ensembles hiérarchisés sur une seule échelle, hiérarchie expliquée par des caractères strictement héritables.
C'est donc le plus ancien auteur dont la pensée est assimilable à du racisme que vous m'ayez présenté, et le seul pour le moment. Antérieur à "l'origine des espèces", j'avoue :)
Bravo les allemands :O
Pour ma défense, nous voyons bien que nous faisons face à un cheminement progressif qui débouche sur plusieurs choses différentes : du racisme d'une part, et plein d'autres choses d'autres part.
Et que ce cheminement débouche beaucoup trop tard pour expliquer l'esclavage dans les Amériques et les Caraïbes, qui commence dès le XVIIe siècle.
Car c'est bien là la thèse que je soutiens : l'esclavagisme a précédé le racisme, c'est une erreur que de le comprendre comme une conséquence du racisme.
Citation :
L'erreur à ne pas faire ici pour comprendre la profondeur de l'héritage esclavagiste, à mon sens, est de réduire le fait esclavagiste à une opposition noir/blanc. Certes c'est une fracture qui s'est maintenue dans pas mal de ces pays jusqu'à aujourd'hui, mais ça n'était pas toujours pertinent dans la période esclavagiste.
Citation :
Je ne dis pas ça pour laisser entendre que les noirs n'ont pas été spécialement concernés par l'esclavage dans les Amériques et aux Caraïbes (car ils ont en effet été spécialement concernés), mais pour mettre en évidence que le racisme et l'esclavagisme sont deux choses distinctes idéologiquement et historiquement, et que même si elles se sont rencontrées à ce moment-là dans ces endroits-là il faut les distinguer.
Le racisme d'une part est une idéologie relativement récente (comparée à l'esclavagisme) qui n'a véritablement été formalisée qu'au XIXe siècle. Auparavant il ne s'agissait pas d'une idéologie, mais d'un ensemble de préjugés hétérogènes propres au regard que chaque peuple avait sur les autres.