L'esclavagisme a laissé des traces partout où il a été pratiqué je pense.
Après, ce n'est pas parce qu'on parvient à trouver des reliques de ces temps lointains dans quelques individus qu'il faut faire une généralité. La France notamment a une histoire très peu marquée par le fait esclavagiste, celui-ci n'ayant jamais été pratiqué formellement en métropole et la France étant ce qu'elle est (révolution française, déclarations universelle des droits de l'homme, toussa).
Au contraire de beaucoup de pays des Amériques et des Caraïbes, où l'héritage esclavagiste est parfois très vivace. Mais pas uniquement dans son aspect raciste.
L'erreur à ne pas faire ici pour comprendre la profondeur de l'héritage esclavagiste, à mon sens, est de réduire le fait esclavagiste à une opposition noir/blanc. Certes c'est une fracture qui s'est maintenue dans pas mal de ces pays jusqu'à aujourd'hui, mais ça n'était pas toujours pertinent dans la période esclavagiste.
Les esclaves venaient pour une grande partie d'Afrique subsaharienne, donc étaient noirs, mais une autre partie venait d'Irlande. Il y a même eu des croisements dirigés sur certaines îles pour créer des races d'esclaves alliant les "avantages" des populations africaines et irlandaises ... comme ça se fait avec le bétail.
Par ailleurs il y a eu sur le territoire actuel des états-unis des trafics d'esclaves blancs, y compris des lettrés qui étaient employés à l'enseignement ou à d'autres tâches (comme en Méditerranée antique).
Je ne dis pas ça pour laisser entendre que les noirs n'ont pas été spécialement concernés par l'esclavage dans les Amériques et aux Caraïbes (car ils ont en effet été spécialement concernés), mais pour mettre en évidence que le racisme et l'esclavagisme sont deux choses distinctes idéologiquement et historiquement, et que même si elles se sont rencontrées à ce moment-là dans ces endroits-là il faut les distinguer.
Le racisme d'une part est une idéologie relativement récente (comparée à l'esclavagisme) qui n'a véritablement été formalisée qu'au XIXe siècle. Auparavant il ne s'agissait pas d'une idéologie, mais d'un ensemble de préjugés hétérogènes propres au regard que chaque peuple avait sur les autres.
Le racisme et ensuite l'eugénisme en tant qu'idéologies sont nées à la suite de la publication par Darwin de "L'origine des espèces". Il s'agissait alors d'une théorie scientifique, largement partagée par la "communauté scientifique" de l'époque, qui avait en plus de son aspect scientifique le bon goût de justifier la domination des européens sur le monde entier, l'esclavage, le libéralisme débridé (ça justifiait qu'il ne fallait sous aucun prétexte aider les pauvres, pour ne pas favoriser les moins adaptés), ...
Ça expliquait même pourquoi les descendants de criminels avaient plus de chance que les autres de devenir à leur tour criminels, et ce sans faire appel à aucune forme de détermination par l'environnement qui aurait impliqué d'améliorer la vie des pauvres : la criminalité était simplement un caractère héréditaire (et oui, les riches étaient alors aussi cons qu'aujourd'hui).
L'esclavagisme quand à lui est un fait social beaucoup plus ancien, dont les justifications ont varié d'une période à l'autre et d'une région à l'autre. La pratique elle-même dans son étendue à beaucoup variée partout, et n'est pas un attribut spécifique des européens. Ce serait même plutôt le contraire, puisque le servage est venu remplacer l'esclavage dès le début du Moyen-âge ("servage" et "esclavage" ont la même racine mais sont deux choses très différentes).
L'idée commune à toutes les époques et à toutes les régions, néanmoins, est qu'il est légitime d'avoir la possibilité de considérer les humains comme des objets ou des animaux domestiques d'un point de vu légal. Pour tout bon esclavagiste qui se respecte il faut que ça soit possible au regard du droit.
Et bien plus que la théorie raciste (qui a fini par légitimer l'esclavage dans ces zones) c'est cet héritage-là qui est vivace dans bien des pays des Amériques et des Caraïbes.
Ça se retrouve évidemment dans le droit du travail états-unien et dans ses politiques sociales, qui visent à terme à reconstruire un statut légal pour des humains sans droits (au sens actuel), que l'on pourra employer indistinctement à la procréation, aux loisirs lubriques, au travail, à la production d'organe, etc. Mais ça se retrouve aussi chez les "élites" économiques sud-américaines et notamment, comme c'est d'actualité, au Venezuela.
Par ailleurs la révolution cubaine et le socialisme cubain ont également été marqués par l'esclavagisme, et non pas par le seul impérialisme financier et capitalistique états-unien. Ça explique en partie l'acharnement du peuple cubain et son adhésion au projet de Castro, car son ennemi alors était le monstre esclavagiste, systématiquement soutenu par les élites d'Amérique du Nord tout au long de l'histoire moderne de l'île. Ça dépassait largement la seule lutte des classes au sens où on l'entend en Europe.
Enfin bref !
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