Kiwifou
Life is a waiting game

Textes en tout genre
le 18/07/2011 1:49
Topic serieux sur le Oik. Si si. Je vais publier deux trois bricoles que j'ai écrit. S'il vous plait ne soyez pas trop dur, même si le trashtalk est une part importante de ce genre de site. Merci.

Je souhaite beaucoup de courage à ceux qui prendront la peine de tout lire. Petite explication tout d'abord. Il s'agit d'un micro texte (dont le but n'est qu'esthétique) suivi de ma vision de l'écriture (texte beaucoup plus conséquent qui s'appuie sur le micro texte de manière indirecte, c'est une analyse donc rien de divertissant vous etes prévenus), plus particulièrement ma vision de l'écriture d'un roman.










Dans un bus, frappé par l’ennui il écrit. Errant sans but, cherchant l’esthétisme, un scénario sans fond prend forme. Interrompu par le va et vient des passagers il peine à former ses idées. Les petites gouttes glissent, elles se rencontrent et en forment de plus grandes.

C’est la chute.

La boue s’accumule, les brindilles, les feuilles, le bois tout circule. Les semelles frappent, les mots se heurtent souvent sans se comprendre. Et lui que fait-il ? Il écrit toujours, il décrit encore. Echapper au déjà vu.

La pluie tombe, le bus est parti.

Les gens l’observent, son sourire intrigue. Troublé il n’arête pas de dire il. Mépris envers lui, envers son incompétence, envers les injustices du monde. Tout peut changer avec de la volonté il le sait. Rien ne change, il stagne. Il n’est pas triste. Simplement jaloux des grands artistes, jaloux de leur aisance, de leurs talents et pourtant il sait quel travail cela demande. Quelle concentration sans faille et quel moral en acier est nécessaire.




Ecrire a toujours été quelque chose de difficile pour moi. Je m’égare toujours, j’ai la nette tendance à ne pas finir les choses. Pour couronner le tout j’ai un mal fou a être satisfait, je relis, reprends encore et encore. Chaque mot, chaque expression, d’abord pleine de saveur, inventive me parait par la suite banale, laide, pas du tout dans la continuité de ce qui la précède. Cette cassure m’obsède et m’empêche d’avancer. Je finis par laisser tomber et je pars sur autre chose. Le temps passe et un jour je retombe sur mes mots. Et là la magie est à nouveau présente, le texte est beau, on ressent quelque chose. Derrière il y a autre chose que de la fumée. Je suis fier de moi, finalement j’ai du talent. Je reprends le travail où je l’avais arrêté. Je souffre, couper, reformuler c’est trancher des souvenirs, détruire une partie de moi mais ça en vaut la peine et mes travaux finis sont tous passés par là.

L’autre manière que j’ai d’arriver à quelque chose d’acceptable et d’écrire sans me relire. C’est ce qui me demande le plus d’énergie. Ne pas me relire c’est traverser une foule avec tous les regards tournés vers moi, je vacille, je suis persuadé que quelque chose cloche, et souvent à juste titre. Je répète des expressions, des termes, je me trompe de temps, je passe du je au il. La ponctuation en fait les frais, je peine a mettre l’accent sur l’important. Enfin je ne peux vérifier le coté rythmique du texte. Ce coté rythmique est primordial et souvent il est négligé. C’est quelque chose que perçoit le lecteur sans s’en rendre forcément compte. C’est ce qui fait que ça sonne bien, que ça n’est pas lourd. Il est difficile de poser des mots sur ce ressenti.

Quand on lit un livre, un texte quelconque, c’est la rythmique qui va faire qu’on accroche. La forme des phrases, le nombre de mots, l’excès maitrisé, l’abus volontaire. Ce n’est pas très sain car souvent cette brume ne cache rien. Le livre est vide, sans originalité. L’œuvre est morte. C’est cette rythmique toujours qui explique pourquoi parfois un auteur saura d’avance que son œuvre est de qualité et aura du succès. Parce qu’elle hurle une mélodie entrainante et ça l’écrivain l’a perçu.

Reste que parfois la mélodie est là mais son heure n’est pas encore venue. En avance ou en retard sur son temps elle ne plaît pas. Elle n’a pas d’échos. Pas encore de réponses. Plus d’adeptes.

On en arrive aux différents archétypes de gratte-papier.

Il y a d’abord les déchus. Ils ne créent rien, ils ne reprennent rien non plus. Leurs mots n’en sont pas, leurs phrases sont grises. Plus simplement il n’y a ni forme, ni fond, l’auteur n’a pas saisi l’harmonie qu’exige un ouvrage. C’est de la lourdeur, de la brutalité. On pourrait au moins saluer l’inventivité du propos mais cette catégorie d’écrivains n’en a pas.

Viennent ensuite les chimères, cette classe a parfaitement saisi la dimension musicale des mots. Ses représentants en abusent et attirent dans leurs toiles les lecteurs naïfs. Ils clament haut et fort des histoires alléchantes qui ne sont qu’illusions. C’est un emballage splendide qui ne contient rien. Le plaisir de les lire est éphémère, la sensation de faim perdure, s’accentue jusqu’à devenir insupportable. Ils sont cruels sans même en avoir conscience.

Devant eux se dressent les Déterrés. Ces artistes présentent parfois quelque chose de brillant, un scénario ingénieux, une expression élégante. Mais qu’ils aient quelque chose à raconter ou pas, ils sont en avance sur leur temps. On peine a saisir la beauté du propos, on la laisse lentement s’échapper. Les mois puis les années se succèdent jusqu’au jour où, sentant son heure venir, le texte frétille, claque, gicle son intelligence. Il attire à nouveau l’attention, il choque, passionne. L’humanité réalise trop tard qu’elle a laissé partir un géant.

Les sourds forment la majeure partie de nos grands auteurs. Ils sont comme beaucoup de scientifiques, incroyablement talentueux mais incapable de transmettre leur savoir. L’art de l’expression est pour eux un monde inconnu et quand ils mettent leurs pensées par écrit c’est sous forme brut, insensible. Le lecteur rechigne à les lire, il reste longtemps hermétique. Ce sont les livres dits « à lire » mais que personne n’aime vraiment.

Enfin dominant la foule règnent les Hors-du-temps. Ces génies du papier créent des œuvres changeantes, qui pétillent par leur fraicheur, leur profondeur. Ils sont à craindre au sens littéral du terme. Lisez-les avec la plus grande précaution, car une fois l’histoire entamé vous ne pourrez plus faire marche arrière. Ces intemporels ont bouleversés le monde et les croyances, ils ont toujours eu un impact sur leur époque.

Comment cerner les difficultés de l’écriture ? Comment expliquer ce sentiment de frustration constant qui prend peu a peu le contrôle lorsque l’on écrit ? C’est en partie du à la nécessité de toujours avoir un but. On se perd souvent, on oublie ses idées. Avec toujours cette contrainte de surprendre, de relancer l’intérêt. Quand vous lisez, vous êtes en quête. De quoi, vous n’en savez rien mais vous avez l’intention de le découvrir. Il y a toujours un moteur. Un personnage attachant, une sensation de déjà vu, un rêve inavoué, toutes les raisons sont bonnes. Et toutes sont différentes. C’est ce qui forme la richesse des interprétations, c’est ce qui donne la force puis l’envie de continuer. Mais c’est également ce qui vous fera abandonner. Brutalement par une mort de héros inacceptable ou de manière plus douce et amère par la direction que prendra l’histoire. En de rares cas la magie continuera d’opérer jusqu’au dénouement.

Toutes ces contraintes sont les barrières de l’auteur. Son texte lui représente son parcours, sa manière d’éviter les obstacles, d’assimiler ses faiblesses pour en faire une force. En écrivant il se dévoile, il transmet une part tellement intime de lui qu’il a toutes les raisons d’être effrayé. Il craint constamment que les yeux du lecteur perdent leur éclat, que cette envie qui les pousse à le lire ne disparaisse. A travers l’œuvre, c’est lui qu’ils regardent et quand ils jugent, c’est lui qu’ils jugent. Une simple critique quand elle est adressée à un homme susceptible, doit être manipulée avec soin, son but n’est pas de blesser mais d’aider à mieux faire. Il en est de même pour une critique littéraire, sauf que l’homme de lettre ne peut pas mentir en écrivant. Certains traits de sa personne ressortiront quoi qu’il arrive. C’est pour cette raison qu’elle ne doit pas être trop agressive, elle pourrait causer de graves dommages chez son destinataire.

La mise en page d’un texte a elle aussi une certaine importance. Elle appuie le propos. Ses espaces, sa ponctuation légère ou appuyée donne le ton. Aller à la ligne c’est créer un silence et c’est une décision qui implique pas mal de choses. Les peintres et les sculpteurs ont aussi leurs propres formes de mise en page, elle se traduira par un éclairage particulier, une disposition précise. Tout ce travail invisible est épuisant et demande beaucoup de forces. Penser que le métier d’écrivain est reposant car il suffit d’écrire c’est se méprendre.

Les épreuves que l’on traverse participe à la création d’une œuvre. Lorsque je vis quelque chose d’intense, de douloureux, j’ai besoin d’en parler, de transmettre ces sentiments afin de trouver l’apaisement. Nous sommes nombreux à fonctionner comme cela et la parole, l’écriture, la musique sont des moyens courants pour évacuer ce surplus d’émotions. C’est également quelque chose que les artistes utilisent souvent. Se placer dans un environnement difficile, s’imposer des contraintes, entretenir un sentiment de tristesse. Grace à ces manœuvres on crée quelque chose a l’opposée, une forme fluide. Un texte agréable. L’artiste ne se prend pas pour un martyr. Il a étudié ce qui l’entoure, a choisi un mode de vie. Il sait que cela contribue à la création.

Lorsque il s’exprime, il ne le fait pas de la même manière en parlant qu’en écrivant. Cette simple constatation a des répercutions essentielles pour le romancier. Une phrase simple, équilibrée peut-être un délice visuel mais un cauchemar pour l’oreille. Et vice versa. C’est ce qui fait qu’un bon orateur n’est pas nécessairement un écrivain de talent. Cela apporte une distinction entre les lecteurs. Les auditifs apprécieront un énoncé qui sonne bien et seront souvent plus sensible à la musique du texte tandis que les visuels persévèrent dans la lecture des sourds mais restent parfois impénétrables aux chimères.

C’est en tenant compte de tout ce qui précède qu’on peut se lancer dans l’écriture d’une histoire. Seulement l’écriture n’est que la partie visible de l’iceberg. Il faut d’abord trouver une idée astucieuse dont on pourra faire quelque chose. Cette base servira de point de départ et de fin. C’est une étape décisive. A partir du moment où nous partons d’un point pour aller à un autre, tout est plus facile. Qu’est-ce qui fait la facilité d’écrire une histoire vécue d’après vous ? On invente rien ou très peu. On n’avance jamais dans le noir.

Cette idée il faut la définir, lui donner de la profondeur, en déterminer les limites. La confronter à d’autres, s’assurer qu’elle recèle quelque chose de nouveau ou qu’on en fera une approche inattendue. Le déjà vu guette constamment.

Vient ensuite le cadre. Elle n’aura pas les mêmes répercussions à telle ou telle époque et entrainera un changement sur tout ce qui l’entoure. Pour être optimisée on devra créer certaines situations, amener le lecteur à un certain état d’esprit. Provoquer l’émotion, imaginer le rire à partir de rien, inventer l’étonnement. Cette connexion entre le lecteur et nous est essentielle. Une fois qu’il aura de l’attachement, on pourra s’aventurer plus loin, prendre davantage de risques. Seulement le lecteur reste parfois aveugle aux cordes qu’on lui lance et c’est ce qui fait toute l’importance des personnages secondaires, des descriptions, des métiers, des lieux, de la manière d’écrire, de l’originalité. Tout cela va contribuer à séduire un public le plus large possible.

Une fois le cadre établi, on se doit de penser à l’intrigue. Surprendre le lecteur ne se fait pas par magie, on doit planifier, ériger plusieurs niveaux à notre histoire. Dévoiler les choses petit à petit. Ce petit truc qui vous fait lire jusqu’à l’aurore, qui vous tient en haleine jusqu’au bout, il ne jaillit pas du néant. Choquer, casser une routine qui s’installe, donner un aperçu de ce qui pourrait être toutes les démarches sont excellentes. Laisser venir un sentiment de sécurité pour mieux l’anéantir.

Ce travail de préparation rassure. On cesse de s’interroger constamment, la tentation de faire marche arrière, de tout reprendre est atténuée. Etudier son œuvre sous tout les angles, poser à plat chaque péripétie, cela apporte concordance et sérieux. La sensation d’aller nulle part disparait. Cette mentalité aide le romancier à passer le cap pour finalement entamer l’écriture.

Les idées claires, toute notre attention pourra se porter sur les mots. Travailler l’équilibre, dessiner une phrase, construire une secousse, rattrape ce sentiment qui s’échappe. Agripper couleurs, farces et ratures, entremêler confusion et méthode. Ecailler images et mauvaises tournures. Alors surgiront du chaos cohérence et beauté.

Manque de confiance, haine et déception deviennent nos lots quotidiens avec une pointe de joie lorsqu’on conçoit quelque chose de vraiment nouveau. L’apogée de notre peine viendra au moment de la relecture. Comment apprécier ses propres mots ? Comment ne pas vouloir cracher sur ce déjà vu, comment accepter ce goût fade qui nous décime ?

La délivrance clos le livre. Le calme, la douceur reviennent avec force, en une vague qui submerge tout, qui nous berce. Comme un fumeur en manque, nos sens sont décuplés. On se sent bien.




Merci d'avoir lu, je suis curieux de lire vos réactions.
haut de page - Les forums de MV >> MV Culture >> Discussion : page 1 | 2 | 3 | 4
Skwibi
Voodoo Child

Légende
le 21/03/2012 14:00
l'hallucinéE
Kiwifou
Life is a waiting game

le 23/03/2012 10:21
Navré pour mon absence j'ai pas mal de travail. J'envoie par mail le début de mon roman à ceux qui m'ont envoyé leur adresse.

J'ai gagné le premier prix short édition de cet hiver :) (catégorie nouvelle). La finale s'est terminé le 21 à minuit. Publication en eBook en vue et 800 euros de prix :). Je suis ravi.
kricheck2001
Tatte e haruke , Mae e susume
Pégase
le 27/03/2012 19:47
thx kiwifou pour ton debut de roman je vais me reserver un ptit moment pour lire tout ça ;)
NeoBahamut
Waaaa
le 28/03/2012 19:35
Excellent le début de ton roman Kiwifou.
Une seule question, à quand la suite ???

Non, en fait il y a une autre question, importante, quelle part d'autobiographie déverses-tu dans le roman ?
Kiwifou
Life is a waiting game

le 14/04/2012 23:26
Merci ça m'encourage à continuer. J'ai pas trop pu passer depuis un mois j'ai énormément de boulot.

La suite sera bientôt là mais j'ai pas trop pu écrire. Pour ce qui est de la part d'autobiographie, la manière de penser des personnages et l'appart ressemble à des choses de mon entourage. Le reste est simplement issu de mon imagination.
Kiwifou
Life is a waiting game

le 02/07/2012 17:08
Petite pub cocasse pour ShortEdition. Hésitez pas, envoyez vos histoires et aller lire celles des autres.

http://www.youtube.com/watch?v=D9QnHaR0dBQ
Jack Alpup

note
le 16/08/2012 6:21
note
yagwill
-, -
le 17/08/2012 15:21
n'est pas écrivain qui veut ...
yagwill
-, -
le 22/08/2012 13:47
texte intéressant, bien construit, narration tenant en haleine, écriture soigné. je déconne ça raconte quoi ?
haut de page - Les forums de MV >> MV Culture >> Discussion : page 1 | 2 | 3 | 4
Vous devez être identifié pour pouvoir poster sur les forums.