Aldebaran, de Leo
Ah Leo, Leo, Leo !
Que de promesses dans ce cycle "Aldebaran" dont tant de personnes et de critiques vantaient les qualités...
Alors voilà, moi, dans ce genre de situation, je suis un peu épidermique et j'ai un peu l'esprit de contradiction : voilà donc bien 15 ans qu'on se narguait, qu'on se faisait de l'œil entre les rayonnages, jusqu'à ce que je me décide enfin hier à te lire...
Et là, c'est la découverte improbable ! Le choc ! De la vrai SF quoi : une BD qui réussit le croisement génétique entre John Difool (cf. "L'Incal" de Moebius et Jodorowski) et "Tendre banlieue" de Tito !
Non non, je n'exagère qu'à peine! Et puis Aldebaran ne reste qu'une banlieue lointaine de la terre, pauvre îlot social coupé de ses responsables où une bande de caïds fait régner sa loi...
Ajoutez-y une faune et une flore originale à défaut de réaliste (un biotope sans prédateur ça fait rêver quand même !), des personnages pas très fouillés et une histoire qui se traine sur 5 tomes autour d'un mystère qui en restera un : Aldebaran c'est tout ça !
Car oui, Marc, notre antihéros blond à la queue de cheval revisitant de façon dramatique le mythique John Difool n'a vraiment pas de chance. Il ne lui arrive que des malheurs, le pauvre ! Mais heureusement, comme il le fait remarquer tout au long de la série de façon assez lourde, il dort bien ! On est content pour lui...
Du côté de l'histoire, si quelques rebondissements m'ont permis de tenir jusqu'au bout, c'est quand même assez cousu de fils blancs, et jamesbondesque pour les sorties de crise... L'évasion de la prison, c'est quand même take it easy !
J'aurais également aimé que l'organisation de la société de cette planète soit plus approfondie. Leo nous colle deux coups de pinceaux de noir pour le régime politique, un tout petit coup de gris pour la religion qui interfère avec le pouvoir, sans se donner la peine de donner pleinement corps à tout cela. Du coup Aldébaran fait un peu artificielle.
Et puis bon la relation Kim/Marc, c'est d'un lourdingue. Déjà qu'on le voit venir dès le premier tome, les dialogues des suivants sont d'une platitude affligeante... Je cite :
- Kim : "Veux-tu savoir quel a été mon rêve cette nuit ?"
- Marc : "Quoi ?...oui,oui ! ..."
- Kim : J'ai rêvé que nous étions sur un petit bateau, toi et moi, tout seuls... et que nous faisions l'amour !..."
- Marc : "Ah, bon ?!..."
- Kim : "Oui... Je rêve tout le temps que je suis en train de faire l'amour avec toi, Marc !..."
- Marc : "...Tu...Heu..."
- Kim : "Embrasse-moi, Marc Sorensen, sinon je vais commencer à crier comme une folle !"
- Marc : "Kim !... Je..."
- Kim : "Ne dis rien ! ... Embrasse-moi !"
Bref, on sent le gars plein de ressources, et on frise le roman-photo façon Daniel Steel là...
Et tant qu'on est dans le texte il y a autre chose qui m'a dérangé : le passage abrupt des dialogues à la voix off de Marc en tant que narrateur. Ça manque de naturel ou de quelque chose ; en tout cas, à chaque fois, je me suis fait la remarque que ça accrochait.
Reste le mystère de la Mantrisse, la véritable colonne vertébrale de cette série. Mais un mystère qui reste entier n'en est que plus décevant, car si Léo a su tout au long de sa série titiller notre curiosité à son sujet, il ne fait qu'amplifier notre frustration en laissant sans réponses, une foule de questions la concernant.
Parlons maintenant dessin. Si j'ai mis si longtemps à me décider à cette lecture, c'est bien à cause de lui.
Ce trait et ces couleurs ne m'inspiraient pas, ça me faisait penser aux couvertures de Tendre banlieue. C'est ce côté figé, maladroit dans les personnages et l'inégalité de l'esthétique de son bestiaire qui ne passent pas. Autant ses Grégoire nageant en groupe sont d'une rare beauté, autant "l'énorme chose" surgissant de la mer page 39 du 3e tome est d'une laideur sans nom.
Même Kim, un des personnages centraux de cette série n'y coupe pas... Entre les premiers tomes où elle a 13 ans (ah ?! Elle fait pas son âge la donzelle !) et la fin de la série, l'évolution du personnage n'est pas flagrante, mis à part une paire de seins qui lui auront généreusement agrémenté la silhouette. Idem pour Marc (non pas pour les seins, quand même :p), mis à part sa coupe de cheveux.
Alors si l'intérêt de cette BD tient évidemment aux idées originales de la faune et de la flore de cette planète, si quelques ressorts scénaristiques sont intéressant, le tout est une grande déception. Une déception due à un dessin que je n'arrive pas à digérer et à un scénario mal équilibré, qui n'a pas su répondre aux questions qu'il suggère.
Après, chacun ses goûts...
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