J'ai remarqué que tu citais souvent la troisième symphonie. Je l'ai écoutée deux fois entièrement, dont une fois assez attentivement, il se peut donc que certaines subtilités m'aient échappées.
La "souffrance" n'est pas la première idée qui me vient à l'esprit. La solitude, la détresse, l'espoir, la prière me paraissent plus évidents. Il y a bien sûr une souffrance associée, mais pas de désespoir.
Le premier mouvement m'a tout à fait évoqué le poème de Victor Hugo «Ce qu'on entend sur la Montagne» en entier
http://poesie.webnet.fr/poemes/France/hugo/372.html
Visuellement, j'imaginais plutôt une plaine et un horizon désert, une lumière sale et les cris du vent. Un peu comme l'image d'ouverture du dessin animé Le Roi et l'Oiseau. L'atmosphère me paraissait éminemment terrestre : l'humanité semble traverser le temps comme une plume au vent.
Le deuxième mouvement, dans son introduction, m'a tout de suite expulsé dans l'éther, dans un environnement supraterrestre traversé de rayons cosmiques. Un endroit où les bruits de la Terre n'arrivent pas, où la Terre même n'a d'existence que comme lointaine poussière. Une échelle différente de la nôtre, si tu veux. Et la voix qui vient évoque une supplication qui traverse l'univers sans jamais rencontrer de réponse ; elle est si fervente qu'elle a dépassé les frontières de ce qu'il appartient à la voix humaine d'atteindre. Et elle s'éteint dans un dernier souffle, sans echo. Comme l'appel à l'aide d'un naufragé au milieu d'un océan infini.
Le troisième mouvement revient sur Terre. Un rythme inlassablement régulier inscrit la marche de l'humanité sur Terre. Mais, à la différence des deux premiers mouvements, une lumière vient la soutenir. Il est toujours aussi difficile de marcher, mais on n'est plus seuls. On repense naturellement au poème d'Adémar de Barros "Traces".
C'est plutôt une symphonie sur la condition humaine que sur une souffrance individuelle.
PS : une œuvre d'art, et particulièrement une œuvre musicale, n'a pas besoin de raconter quelque chose ou d'avoir un message à faire passer pour être belle. Elle n'a pas besoin de décrire la souffrance : elle peut être gaie ou plus neutre dans son état d'esprit. Vive l'art pour l'art !