Je n'ai pas consulté ce topic depuis quelques temps et j'ai constaté tout à la fois à la présence de citations d'échecs et de quelques commentaires sur l'histoire des échecs.
Anonyme1, tu as raison quand tu observes que Capablanca n'a pas remis son titre en jeu avant son match contre Alekhine. Pour les repères chronologiques, Capa gagna contre Lasker en 1921 et perdit contre Alekhine en 1927.
Mais, au moins jusqu'en 1924 inclus, personne ne semble pouvoir remettre en question la suprématie de Capablanca, sauf peut-être l'ancien champion du monde Lasker (et il n'a pas envie de reconquérir son titre, l'ayant déjà détenu pendant plus de vingt ans).
Alekhine lui-même le reconnaît dans son livres 200 parties d'échecs. Il déclare avoir en 1924 demandé à jouer un match pour le championnat du monde contre Capa, ce qui lui fut refusé, et il ajoute qu'il trouve la décision de Capa justifiée en ajoutant que, si quelqu'un semblait en droit de demander un match contre Capa, c'était Lasker.
Effectivement, de 1914 à 1924, Capa ne perdit quasiment jamais (quatre défaites : contre Lasker et Tarrasch en 1914, contre Chajes en 1916 et contre Réti en 1924) et quand il ne gagne pas les tournois où il participe, le seul joueur qui parvient à se classer mieux que lui est Lasker (aux tournois de Saint-Pétersbourg 1914 et New York 1924). Et à chaque fois, Capa est loin devant les autres compétiteurs par le nombre de points accumulés.
À partir de 1925, on voit quelques joueurs dont les performances en tournoi peuvent laisser envisager un championnat du monde.
Bogoljubov gagne le fortissime tournoi de Moscou en 1925 alors que Capa et Lasker participaient (c'est la premier tournoi où Lasker participe mais qu'il ne remporte pas depuis celui de Cambridge Springs en 1904).
Alekhine multiplie les excellents classements dans de très forts tournois, avec notamment une retentissante victoire au très fort tournoi de Baden-Baden 1925 (où, certes, il n'y avait ni Lasker ni Capablanca).
Nimzowitsch (vainqueur de Dresde 1926) et Spielmann (vainqueur de Semmering 1926) sont deux autres joueurs qui se distinguent également.
Signalons qu'à cette époque, ni Bogoljubov, ni Spielmann, ni Nimzowitsch, ni Alekhine n'ont jamais gagné une seule partie contre Capablanca (qui, lui, détient plusieurs victoires à son actif contre chacun d'eux, sauf Spielmann qu'il n'a battu encore qu'une fois).
Face à cette opposition montante, Capa accepte un championnat du monde. Contre qui ? Lasker (avant lui) et Alekhine (après lui) se distingueront en ne cherchant pas toujours les adversaires les plus dangereux pour leur titre. Capa, lui, déclara qu'il affronterait le vainqueur du tournoi de New York 1927.
Dans ce tournoi, participaient Spielmann, Alekhine, Nimzowitsch, Vidmar, Marshall (un représentant de la faune locale, mais aussi un ancien challenger de Lasker pour le titre mondial) et Capa lui-même.
On peut regretter l'absence de Bogoljubov (mais
a posteriori, il est extrêmement douteux que Bogoljubov aurait pu sérieusement mettre en danger la couronne de Capablanca: sur leurs sept rencontres, qui advinrent entre 1922 et 1929, Bogoljubov a réussi à faire nulle dans deux parties, et perdit les cinq autres).
Le tournoi était en quadruple ronde, et Capa remporta une victoire écrasante, ne perdant aucune partie et se réservant de gagner au moins une partie contre chacun des autres participants.
Comme il avait gagné, ce fut le second du tournoi qu'il affronta en match, Alekhine.
Comme on sait, à la surprise générale, Alekhine gagna. Les commentateurs échiquéens, depuis cette époque, n'ont cessé de chercher des explications à cette invraisemblable défaite de Capablanca. Celle qui me convainc le plus est que Capa était devenu si invincible que la résistance opiniâtre d'Alekhine dans un match qu'il avait attendu facile l'a complètement démonté psychologiquement. Il n'était plus habitué à la difficulté et il n'a pas tenu la tension psychologique de la compétition, et s'est effondré en fin de match.
Il est vrai que Capablanca ne remit pas son titre en jeu pendant six ans. Son successeur Alekhine joua plus de matchs. Mais qu'on observe la manière dont il choisit ses adversaires !
Pour commencer, étant donné le caractère très inattendu de la victoire et le palmarès de Capablanca, lui accorder un match-revanche était indispensable. On comprend qu'Alekhine n'ait jamais pris ce risque (je ne crois pas que même Kasparov, pourtant grand fan d'Alekhine, pense qu'Alekhine aurait pu conserver son titre dans un match revanche contre Capablanca).
Ensuite, Nimzowitsch ou même Spielmann semblaient être des adversaires plus dangereux que Bogoljubov (qu'il choisit).
Il est amusant de constater que dans deux de ses championnats du monde (contre Bogoljubov en 1934 et contre Euwe en 1935) Alekhine affrontait des adversaires qui venaient de perdre des matchs contre Spielmann !
On peut d'ailleurs consulter cette page
http://www.mjae.com/spielmann.html, qui contient une courte biographie de Spielmann ainsi que quelques observations sur les comportements de Capablanca et d'Alekhine en tant que champion du monde.
Pour terminer sur une petite anecdote...
On raconte que Capablanca, peu après sa défaite contre Alekhine, traînait dans un bar de Buenos Aires; et qu'un amateur, qui n'avait pas reconnu l'ancien champion du monde, lui proposa de jouer une partie d'échecs.
Pas très enthousiasmé, Capa finit par accepter, ils mettent en place les pièces et Capa retire une de ses tours de l'échiquier.
- Eh! s'exclame son adversaire. Vous ne me connaissez pas! Je peux vous battre!
- Si vous pouviez me battre, dit Capablanca, je vous connaîtrais.