En quelques points parce que j'aime bien les extrapolations cordiales sur le storytelling :
- Les éternités aveugles ne sont pas un plan : pour moi non plus. Disons que si les plans sont des bulles, l'éternité aveugle, c'est l'océan (ou si les plans sont des planètes, des systèmes ou des planètes, les éternités aveugles, c'est le vide stellaire entre les deux -ça n'empêche pas). Et pour faire la transition avec le point suivant, à l'époque des shards, les plans étaient isolés du reste du multivers, mais à mon avis, pas des éternités aveugles.
- Les shards of the 12 : elles m'avaient effectivement échappé. Mais même si les shards n'existent plus et que la série de plans n'est plus isolée des autres, le nexus dominarian subsiste, et est à ce jour* le seul nexus stable (héritage de l'époque des shards). Dominaria, d'ailleurs, à défaut d'avoir été encore le centre du multivers, a été au moins l'épicentre des perturbations du bloc Time Spiral, vendues comme ayant "menacé l'existence de tous les plans". Dominaria qui est aussi un plan un peu unique en son genre (seul connu à avoir fusionné avec un autre -Rajh, même s'il s'agit d'un plan artificiel-). Et Dominaria qui, je pense, est le seul plan entièrement constitué de Scenarium, substance rare aux propriétés uniques et inexplicables que seuls les dieux-scénaristes maîtrisent et qu'ils ont généralement à coeur de mettre en avant quand ils ont investi du temps dessus.
- J'ai l'impression que la mécanique des sagas (en plus de tout le retour sur Dominaria) sert un peu de bâton tendu aux nouveaux joueurs n'ayant pas connu toute l'époque pré-Apocalypse, voire pré-modern, bref, l'époque où il n'y avait pas autant de communication web sur l'histoire derrière, pour leur servir une sorte de vieil album de photos de famille pour leur vendre du rêve à coups d'illustrations particulières, de game design et de frame design unique, pour les pousser à s'intéresser à ce plan icônique et son histoire. C'est un peu le challenge des licences de 20 ans et plus : réussir à alpaguer ceux qui prennent le chemin en cours de route et les remettre dans le bain, surtout quand on veut potentiellement exploiter des éléments passés. Certains le font avec talents, d'autres non, d'autres s'en foutent et se contentent du vieux public ; là, j'ai l'impression que WotC veut concilier les vieux à coup de fanservice et les jeunes à coup de sagas avant d'envoyer le gros oeuvre. Un peu à la façon de Marvel qui, avant de déterrer la saga culte du gant de l'infini (parce que 1991, quand même), pose tout son MCU sur un tas de films avant d'arriver au climax. En plus, on est dans une ère de théoristes qui aiment bien trouver le moindre détail, comprendre la moindre référence, détecter le moindre caméo, anticiper le moindre spoiler caché.
- Je n'ai effectivement pas relancé le Marit Lage vs Eldrazi, tout simplement parce que je n'en suis pas client. A l'époque où ça extrapolait pas mal pour Eldritch Moon, je vous lisais avec attention ici mais je ne participais pas, j'avais d'autres trucs sur le feu à l'époque. Mais pour moi, c'était à peu près évident qu'Emrakul était sur Innistrad et pas Marit Lage, malgré toute la hype chez certains. A mes yeux, même s'il peut transplaner, Marit Lage est gros, certes, mais... c'est un gros truc qui transplane. C'est une guivre mondéchine avec une spark allumée. Ca s'incarne physiquement dans un plan, là où les titans eldrazis ne sont qu'une manifestation de leur présence (cf le retour sur Zendikar, c'était expliqué clairement que les titans présents n'étaient qu'un avatar de leur essence et pas leur véritable forme physique, et qu'il fallait les y tirer afin de vraiment pouvoir les atteindre). En plus, Marit Lage, il est gros, il est indestructible, mais c'est tout (bon, si, il vole) : à titre perso, un Progenitus (l'âme d'Alara) ou un O'Kagachi (l'âme de Kamigawa, l'un comme l'autre sont vendus comme les "soul of the world") me paraissent plus icôniques. Alors, certes, Marit Lage est super icônique, mais à mon sens plus en terme d'impact gameplay que background, et on l'a vu à plus d'une reprise dans MtG, les power scaling entre la table de tournoi et le lore de jeu sont loin d'être les mêmes. Marit Lage, c'est une team design de 1995 qui s'est dit "tiens, on va glisser une horreur lovecraftienne discrètement dans le lore". Les eldrazis, c'est une team design de 2009 qui s'est dit "tiens, on va faire des antagonistes majeurs d'un bloc". Marit Lage, c'est un gros thon incarné physiquement dans un plan qui ravage tout sur son passage. Les Titans Eldrazis, ce sont des entités qui existent sur plusieurs plans ("cosmiques", on pourra dire), qui s'incarnent partiellement sur un plan, et dont la seule présence change la structure et la réalité d'un plan. Marit Lage, c'est un type qui s'est dit "on va faire une référence lovecraftienne avec un profond tentaculaire". Les Titans Eldrazis, c'est un type qui s'est dit "on va prendre l'essence des entités cosmiques de lovecraft pour les inclure dans le background". En terme de storytelling, Marit Lage, c'est le monstre de Cloverfield, les Titans Eldrazis, c'est Cthulhu. Bon, sinon, en vrai : oui, Marit Lage pourrait être un eldrazi. Mais dans ce cas, une engeance. Et la seule engeance, à ce jour, à pouvoir transplaner seule sans l'aide d'un titan (pour autant qu'ils les déplacent, plus qu'ils ne les génèrent). Je ne ferme pas la porte à cette possibilité, mais j'y crois moyennement, et je crois que Marit Lage restera désormais définitivement dans ses profondeurs obscures.
- Après, on n'est pas vraiment dans une optique argument / contre argument quand on extrapole sur la storyline. Déjà, parce qu'on peut extrapoler avec la meilleure volonté du monde, on peut se tromper en toute bonne foi ; c'est un jeu de piste rigolo à suivre sur lequel on peut juste parier aujourd'hui, et dans 2, 6 ou 10 ans, on ressortira les extraits de ce topic pour savoir qui avait eu du nez ou non. Ensuite, parce que la logique des équipes de design n'est pas la nôtre (entre ce qu'on voit, ce qui nous plairait, ce qu'on pense comprendre d'eux, et les potentielles bouses qu'ils peuvent nous pondre des fois pour faire plaisir aux fans ou surfer sur l'envie du moment). Il faut se faire plaisir à déduire ou anticiper et c'est déjà bien. De toutes façons, vous comme moi savons qu'à la fin, en fait, c'est Skwi qui se révèlera être le méchant ancestral.
- Enfin, là, je ne décrivais pas forcément ce que j'avais envie de voir. Juste, ce que je pressens. Si j'étais aux manettes, il y a un plan que j'aurais déterré depuis des plombes : c'est celui d'Equilor (vu dans Planechase 2009 et 2012). Plus vieux plan connu du multivers, visité à l'époque par Urza pour avoir des infos sur l'origine des Phyrexians, avec les anciens locaux qui avaient répondu "ouhla, mon gars, mais tu sais qu'il y a pire dans le multivers ?". Mais en terme de développement, aussi bien Equilor que la résolution du mystère des Eternités Aveugles, je doute qu'on y arrive un jour : vu la levée de boucliers à la fin de la saga de l'Aquilon (ok, le background post-odyssée est appréciée maintenant, mais à l'époque, clairement, ça rallait post-Apocalypse), Wizards ne prendra plus le risque de mettre fin à une ère. Ils vont jouer le coup du feuilleton à rallonge, mettre des rebondissements, des trahisons, des changements de camp, certains passages un peu soap (les vrais savent -ça tombe bien, on parlait de la croisière s'amuse sur l'aquilon-), se concentrer sur des histoires locales, développer des plans inédits, revenir sur les anciens et faire traîner... et si un jour ils répondent à toutes nos questions, c'est qu'ils s'apprêteront à mettre la clef sous la porte. Contrairement à l'industrie des comics, ils auront du mal à se permettre du reboot... du coup, autant ne rien finir.
* : de manière générale, mes sources sous le wiki de mtgsalvation (mtg.gamepedia) recoupé avec des bouts de texte ou d'extraits vidéos de WotC.
Sinon, rien à voir, mais j'aime bien le point soulevé par YouriGogol sur le déphasage. Mais ça montre aussi, je pense, que dans toute l'équipe "storyline" de MtG (enfin, si ça marche comme les équipes qui conçoivent et entretiennent les backgrounds de jeux de rôle, domaine pro qui m'est plus familier), à background vieillissant, les story-designers gardent ce qu'ils veulent et étouffent les trucs un peu anciens difficiles à mettre dans les cases de la nouvelle stratégie de cohérence à long terme. "Hein, quoi ? Ah, non, ça doit être une erreur d'impression, on a jamais dit ça, ou alors le grand méchant de l'époque a jeté un sort d'illusion de masse". En fait, chaque scénariste d'univers tentaculaire (en terme de taille, pas d'aspect lovecraftien) est un peu un Belzenlok en puissance, à vouloir réécrire le passé pour que ça passe mieux. #ConclusionBackgroundMeta
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