Citation :
Darkent a écrit :
Vu Oppenheimer.
Sympa... mais BEAUCOUP TROP LONG O_O.
Beaucoup de dramatisation sur pas grand chose.
Autant j'adore les films relatant de faits historiques, autant les biopics modernes m'agacent. C'est souvent du name-dropping qui ressemble à du fan service pour connaisseur et intellectuel.
Ensuite, t'as pas le temps de respirer dans ce film. En 3 heures il a voulu mettre... beaucoup trop de trucs. Du coup tout s'enchaine, sans jamais prendre le temps de laisser l'esprit se reposer, je trouve ça un peu lourd.
J'aurais préféré un peu plus de science et moins de politique.
Hier, j'ai visionné au cinéma le métrage intitulé « Oppenheimer »
(arrêtez votre lecture dès maintenant si vous ne voulez pas que des éléments de l’intrigue vous soient révélés contre votre gré).
Traîné de force par ma conjointe, je l'ai vu dans les meilleures conditions qui soient, c'est-à-dire en ne sachant quasiment rien du métrage car moins on en sait, moins on a de préjugés et donc moins on est déçu. C'est ma règle d'or.
Pour commencer, Oppenheimer jouit d'une distribution de haut niveau tant dans les rôles principaux que secondaires : Robert Downey Jr., Matt Damon et Gary Oldman. Ils sont accompagnés des non moins connus Cillian Murphy (rôle principal), Rami Malek (rôle résiduel mais comique), Casey Affleck (oui, le frère de Ben), Josh Hartnett, Florence Pugh, Emily Blunt, Jason Clarke, Matthew Modine (Dr Brenner dans Stranger Things), Gustaf Skarsgård (Floki dans Vikings), Kenneth Branagh (Gilderoy Lockhart dans Harry Potter) et Josh Zuckerman que je n'avais pas revu depuis son rôle de cinglé dans la série Desperate Housewives.
Dans l’ensemble, le jeu des acteurs fut abouti et très crédible malgré le sujet scientifique. Ce n’est pas simple de se mettre dans la peau d’une sommité de la physique quantique quand on n’y connaît que dalle. A ce propos, j’ai trouvé Josh Hartnett remarquable dans son rôle d’universitaire.
Visuellement, ce métrage est un bijou. Encore une fois Christopher Nolan nous démontre qu’il sait parfaitement faire des plans cadrés, harmonieux, cintrés et esthétiques. Beaucoup d’entre eux auraient pu être des photographies ou des cartes postales. De plus, il a su jouer avec la colorimétrie pour accentuer la tension ou pour contraster les ambiances : le bleu pour la politique politicienne et le jaune pour l’émulation scientifique de Los Alamos.
Néanmoins, je trouve qu’il a sous-exploité deux scènes : celle des premières secondes du métrage qui représente, a priori, une éruption solaire. Cette scène aurait mérité plus de gigantisme et un son digne des plus gros séismes de l’humanité. Puis, celle de l’essai atomique « Trinity » dans le désert du Nouveau-Mexique. Quelle frustration. Quelle déception. Cette scène aurait dû nous cramer la rétine et faire exploser nos tympans. Le sursaut à retardement n’est pas de nature à combler cette frustration. Cette scène, qui est le dénouement et l’aboutissement de plusieurs années de recherche scientifique et de plusieurs heures de patience pour les spectateurs … aurait dû être iconique, dévastatrice, apocalyptique, un exploit majeur du cinéma. Or, la réalisation fut assez banale …
Sur le plan historique, Christopher Nolan est parvenu à reconstituer cette course folle à l’armement. En 2023, la création d’une bombe atomique paraît à la portée de beaucoup d’Etats de seconde zone. Mais en 1939, c’était une véritable prouesse. La première puissance économique mondiale a dû mobiliser 2 milliards de dollars (1% de son PIB) et près de 130 000 personnes pendant environ 6 ans pour réussir son objectif. Sur ce point, Christopher Nolan a réussi sa narration en rappelant le retard des américains face aux allemands, le difficile accès aux ressources, la lenteur du raffinage de l’uranium, la crainte de l’espionnage communiste, l’entente difficile entre les différents scientifiques engagés dans le Projet Manhattan et la pression exercée par le gouvernement et par l’armée. La question du bien-fondé de l’utilisation de la bombe atomique sur le Japon, quasiment à terre, n’a pas été éludée et a été, à mon sens, audacieusement abordée par le truchement d’un Truman froid, cynique et insensible.
De plus, sur le fond, Christopher Nolan a réussi à retranscrire les problématiques soulevées par la création de la bombe atomique : l’éthique de la science, les remords des savants, l’instrumentalisation de la recherche fondamentale par les militaires, l’hypocrisie des politiciens, les conséquences sur la géopolitique mondiale, le risque de surenchère nucléaire, la peur d’une erreur de calcul mortelle pour l’humanité et le dilemme du moindre mal : mieux vaut une bombe atomique entre les mains des américains ou des allemands ? Christopher Nolan n’a pas répondu à toutes ces questions mais il nous a livré des éléments essentiels pour notre réflexion.
En revanche, sur l’écriture et la conduite du scénario, il est impératif que les scénaristes, monteurs et réalisateurs cessent de hacher leur script dans le but de le complexifier inutilement. Par ailleurs, certains passages auraient mérité d’être supprimés (les pleurs de l’enfant d’Oppenheimer, ses histoires de cœur, l’alcoolémie de sa femme) tandis que certaines intrigues auraient mérité d’être écourtées. Par exemple, l’enquête administrative et pseudo-judiciaire de la Commission de l’Energie Atomique est d’une longueur insoutenable après deux heures de film assez plates sans être soporifiques. Le débat sur le renouvellement de l’habilitation de sécurité d’Oppenheimer et sur l’émergence du maccarthysme auraient pu être allégé.
A la fin du film, j'ai tout de suite eu une pensée pour ma conjointe qui m'avait amené là. Bien que je connaissais déjà sa réponse, je me suis tourné vers elle, le sourire mesquin jusqu'aux oreilles et les yeux injectés d'espièglerie pour lui poser la question fatidique : « Alors, as-tu aimé ce film ? ». Elle me répondit un très attendu : « Bah non, je n'aime pas les films politiques. Encore moins sur la politique américaine ». HAHAHAHAHAHA ! Mérité ! Impossible de cacher ma joie. La prochaine fois, elle me fouttra peut-être la paix !
Pour ma part, ce métrage mérite un honorable 7/10. Pour aller plus haut, il aurait fallu revoir le rythme, synthétiser certains passages et produire des plans iconiques. Compte tenu du thème, j’attendais un son dévastateur et des images plus spectaculaires, plus époustouflantes dans les moments clés. Heureusement, je me suis consolé avec Irlande vs Afrique du Sud.